P2P : les députés légalisent les échanges sur internet
L'Assemblée a étendu à internet les exceptions pour copie privée. Hallyday, Mitchell, Sardou protestent. Le ministre de la Culture veut revenir sur le vote.
Les députés ont adopté dans la nuit de mercredi 21 à jeudi 22 décembre, contre toute attente, des amendements légalisant les échanges de fichiers sur internet via le système "peer to peer" (P2P) lors de l'examen du projet de loi controversé sur le droit d'auteur.
Le gouvernement a demandé une deuxième lecture et décidé de reporter en fin de débat le vote de l'article du projet de loi relatif au droit d'auteur sur internet.
Le ministre de la Culture, Renaud Donnedieu de Vabres, s'est dit "résolu" à revenir sur le vote.
Le président du groupe UMP à l'Assemblée nationale, Bernard Accoyer, avait pourtant affirmé peu auparavant qu'il "n'était pas question de revenir" sur le vote. "Il faut approfondir le débat, laisser le temps nécessaire, écouter les nombreuses expressions, en particulier d'artistes et des créateurs, en tenir compte et à notre allure, le moment venu, pouvoir choisir et voter le meilleur texte possible", a-t-il ajouté.
Report en janvier
Au milieu de ces incidents de procédure, le président de séance, Yves Bur (UMP), a réussi à faire voter "à la hussarde", selon les termes du député PS, Christian Paul, les articles 3 et 4 du projet.
Aucun amendement n'avait été déposé sur ces deux articles. Le premier a pour objet d'appliquer les modalités des exceptions aux droits d'auteurs pour les droits de producteurs de bases de données, le second traite de l'épuisement du droit de revente dans la communauté européenne des droits patrimoniaux.
Peu avant 18h00, les députés ont commencé à examiner les autres articles du texte, qui en compte 29.
Dans ce climat, les députés ne devraient pas terminer l'examen du texte dans la nuit de jeudi à vendredi, dernière séance avant l'interruption pour les fêtes de fin d'année. Le projet de loi devrait donc être renvoyé à la reprise des travaux parlementaires le 17 janvier 2006.
"Un bug irréparable"
Le président du groupe PS à l'Assemblée nationale, Jean-Marc Ayrault, avait demandé auparavant que l'examen du texte "soit suspendu, repris à zéro", face "à la volonté du gouvernement de revenir" sur le vote des députés légalisant les échanges de fichiers sur internet via le système "peer to peer".
"Nous nous félicitons qu'une majorité à l'Assemblée se soit retrouvée autour de propositions du groupe PS visant à concilier la liberté et la responsabilité des internautes", écrit Jean-Marc Ayrault, dans un communiqué.
"Le débat prouve que le gouvernement s'est enfermé dans une logique sans issue", poursuit-il, en critiquant "un texte bâclé, présenté à la sauvette" et qui "n'est pas à la hauteur d'un tel sujet de société".
Pour lui, "il est temps que le ministre comprenne que son texte est un bug irréparable". "Face à la volonté du gouvernement de revenir sur le vote de l'Assemblée nationale et de passer en force, nous demandons que l'examen du texte soit suspendu et qu'il soit repris à zéro", a conclu le chef de file des députés socialistes.
Exception pour copie privée
Les deux amendements cruciaux, déposés par Alain Suguenot (UMP) et Christian Paul (PS) ont été votés mercredi soir par 30 voix contre 28. Renaud Donnedieu de Vabres y était opposé.
Ces amendements à l'article premier du projet de loi, étendent à l'internet les exceptions pour copie privée en prévoyant en contrepartie une rémunération des artistes.
Cela revient à autoriser le téléchargement sur internet des usages non commerciaux.
Ce premier vote remet ainsi en cause l'architecture du projet de loi. La première version du texte qualifiée de "liberticide" par le PS avait suscité de multiples inquiétudes chez les internautes, les associations de consommateurs, les journalistes et les universitaires.
Il divisait aussi les partis. Les députés PS s'opposent à la secrétaire nationale chargée de la culture au PS, Anne Hidalgo, et au sein du groupe UMP, le texte ne fait pas l'unanimité.
Présenté au conseil des ministres il y a deux ans, le texte est discuté en procédure d'urgence (une seule lecture par assemblée).
La mesure la plus controversée concernait la légalisation des mesures techniques de protection empêchant ou limitant la copie de fichiers. Leur contournement était assimilé à un délit de contrefaçon passible de 3 ans de prison et de 300.000 euros d'amende.
Des artistes en colère
Les chanteurs Johnny Hallyday, Eddy Mitchell et Michel Sardou se sont vigoureusement opposés jeudi à la décision des députés de légaliser les échanges de fichiers, selon les communiqués diffusés par leur agence de relations avec la presse.
"Légaliser le téléchargement de la musique presque gratuitement, c'est tuer notre travail", a réagi Johnny Hallyday.
Michel Sardou a lui fait part de sa "stupéfaction" quand il a appris "qu'au lieu de nous protéger et de nous soutenir, le vote de l'amendement de l'Assemblée nationale va vers un téléchargement légal de la musique quasi-gratuit". "Si ma musique devient gratuite, alors je demande aux représentants de l'Etat qui travaillent pour le bien public de le faire gratuitement", ajoute le chanteur, rejoint par Eddy Mitchell: "J'espère que l'Assemblée nationale va démissionner, à moins que les députés ne soient plus rémunérés".
source :
http://permanent.nouvelobs.com/multi...2.OBS9694.html