La rédactrice en chef de Sport-Bikes, Diane de Salve a eu la gentillesse de répondre aux questions des forumeurs de Forum-motoGP.com.
1/ Pensez-vous que le départ de Ducati du Superbike et le retour au 1000 en MotoGP en 2012 signe la fin du Superbike dans un proche avenir ?
Je ne pense pas que le Superbike va disparaitre, mais il doit changer ses règlements. Il y a la place pour deux championnats dans un monde idéal que je verrai de la sorte. Pour les MotoGP, l’implication directe des usines avec des prototypes ou même des châssis proto avec des moteurs dérivés de la série (des sortes de Super-Superbikes) : c’est ce qu’on aura en 2012. Pour le Superbike, un retour à un règlement très proche de la série car les coûts actuels sont bien trop importants pour que ce championnat continue dans cette configuration (l’Aprilia de Max Biaggi n’a pas grand-chose à voir, en termes de performance, avec la RSV4 vendue dans le commerce). Je pense que trois catégories, aujourd’hui, seraient suffisantes en WSBK : Superstock 600 (machines strictement de série et limite d’âge pour les pilotes), Superstock 1000 (idem, machines strictement de série) et Superbike (préparation très limitée). Exit donc le Supersport, lui aussi devenu trop coûteux et dont le plateau est aujourd’hui complètement déserté. On pourrait même imaginer que les usines ne puissent s’impliquer directement qu’en MotoGP, et qu’en Superbike, la préparation des machines soit confiée à des teams privés (comme c’est le cas depuis des années avec Alstare pour Suzuki, ou Ten kate pour Honda). Mais que peuvent aujourd’hui ces teams privés, sans aide directe de l’usine, face à des équipes d’usine comme Aprilia ou BMW ? M. Flammini doit vraiment mettre son égo de côté et revoir ses règlements techniques à la baisse, sinon, c’est clair que c’est la fin du Superbike. Quant à Ducati, ils pourraient ainsi très bien être représentés par des équipes comme Althéa (3e cette année au championnat avec Carlos Checa).
2/ Y'a t'il une possibilité pour un retour à plusieurs manufacturier en MotoGP d'ici 2012 avec l'arrivée des 1000 ?
Déjà, le contrat de fourniture exclusive des pneus par Bridgestone au plateau MotoGP se termine fin 2011. Bridgestone semble intéressé pour continuer en MotoGP, peut-être à condition de faire payer les pneus aux équipes, comme c’est le cas en Moto2 avec Dunlop. Michelin et Pirelli pourraient également être intéressés pour se porter candidats, mais avec le développement et l’arrivée des 1000 dans un an, ça me semble difficile. On a en effet vu qu’une moto se développait beaucoup par rapport aux pneus (rappelez-vous les difficultés de Honda quand ils sont passés des Michelin aux Bridgestone). Je ne pense pas que Carmelo Ezpeleta, le patron de la Dorna qui gère les droits du MotoGP, ait vraiment envie de revenir à la compétition entre manufacturiers, d’autant qu’il est difficile de juguler les coûts dans ce domaine quand la compétition est ouverte. C’est vrai qu’on le comprend car depuis qu’on est passé au manufacturier unique, on n’entend plus de polémiques sur les pneus ou de pilotes se plaindre à la fin de la course qu’ils ont perdu à cause de leurs pneus.
3/ On nous a répété que c'est la crise et qu'il faut donc limiter les coûts, mais quels sont ces coûts ? Car si un team joue le titre en Moto2, il s'avère que l'économie est inexistante...le Moto3 sera t-il efficace pour réduire ces coûts ?
Les coûts sont réduits pour les gros teams comme Aspar, qui louaient leurs Aprilia d’usine une fortune (1,2 million pièce), tandis qu’ils sont les mêmes pour les autres « petits » teams. Par contre, tout le monde a maintenant l’opportunité de se battre pour la victoire (l’équipe franco-suisse Technomag CIP, qui a l’un des plus petits budgets du paddock (Alain Bronec annonçait en début d’année 500 000 €, mais la facture a dû augmenter par la suite car les chutes plus nombreuses qu’en 250, coûtent cher) a gagné une course en début de saison avec Shoya Tomizawa, alors que l’énorme team Aspar n’a gagné aucune course, même si Julian Simon termine vice-champion). On parle en moyenne d’un budget entre 500 000 et 1 million d’euros par pilote en Moto2. Pour le Moto3, ce sera pareil : les budgets vont s’égaliser (ça coutera moins cher pour les gros teams – Ajo, Apar – et peut-être un peu plus pour les petits), mais tout le monde aura peut-être sa chance de gagner ou de monter sur le podium.
4/ Pensez-vous que Valentino Rossi puisse être Champion du Monde MotoGP sur la Ducati au cours des 2 prochaines saisons ?
A chaque fois, c’est la même ritournelle : « ce coup-ci, ça va être compliqué pour Rossi » (passage chez Yamaha en 2004, défaite face à Stoner en 2007, blessure cette année) et à chaque fois, Rossi rebondit ! Donc, je ne me risquerai pas à vous dire que là, c’est compliqué. Rossi est intelligent, c’est le meilleur en ce qui concerne le développement et la mise au point des machines, et il sait ce qu’il fait en passant chez Ducati. Alors oui, Rossi peut être champion du monde en 2011 et en 2012. Stoner, Pedrosa ou Lorenzo aussi. Mais le champion, je pense, sera surtout celui qui est le plus régulier… comme cette année, d’ailleurs.
5/ Les pilotes deviennent-ils plus difficiles à interviewer lorsque le succès arrive. Prennent-ils la "grosse tête" lorsqu'ils remportent un titre ou de nombreuses victoires ?
Ils ne prennent peut-être pas la grosse tête, mais ils sont tellement sollicités que les attachés de presse font vraiment le filtre dans les demandes d’interview. Rossi, on a droit à une interview par an (sauf depuis qu’il a annoncé son passage chez Ducati : le service presse Yamaha a annulé toutes les interviews). Stoner, c’était aussi une fois par an, à Madonna di Campiglio. Il faisait quelques interviews triés sur le volet pendant la saison, mais le plus souvent avec des journalistes anglophones (il est allergique au lait, mais aussi à la presse non-anglophone semble-t-il). Pedrosa, on l’a jamais interviewé directement (ça se faisait soit par mail, soit des interviews achetées à des journalistes espagnols) et enfin Lorenzo, pour l’instant ça va. Mais comme on demande en général qu’une interview par an, ça passe. Si on veut avoir un entretien en tête-à-tête tous les trois grands prix, on se fera refouler.
6/ Que pensez-vous du peu de pilotes français qui arrivent à atteindre le niveau de l'élite en moto contrairement aux espagnols ou aux italiens ?
Je crois que la France n’est pas la nation la moins bien représentée en GP, au contraire. On a de bons pilotes dans chaque catégorie : Randy de Puniet en MotoGP, Jules Cluzel et Mike Di Meglio (qui, ne l’oublions pas, a quand même été champion du monde 125 il y a deux ans) en Moto2 et enfin Johann Zarco en 125 (vainqueur de la MotoGP Rookies Cup il y a quatre ans). L’Italie, les USA, l’Australie, et le Japon ne peuvent pas en dire autant. A part son énorme présence en MotoGP avec cinq pilotes, l’Italie n’a pas vraiment de relève : le premier Italien au classement en 125, Simone Grotzky, n’est que 19e ! Si l’Espagne est archi-représentée parmi l’élite avec ses 6 pilotes en MotoGP, ses 13 pilotes en Moto2, et ses 11 en 125 (avec trois champions du monde et trois vice-champions du monde dans les 3 catégories !), c’est vraiment une exception dans l’histoire des GP. La Dorna, le promoteur espagnol du championnat MotoGP, a énormément investi depuis des années dans son championnat national qui est le plus relevé aujourd’hui. Un Français, aujourd’hui, ne peut pas espérer faire carrière en GP en restant dans son pays. Il doit passer par l’Espagne, comme l’a fait il y a quelques années Casey Stoner. Maintenant, avec le Moto2 et le Moto3 les choses vont peut-être changer…
7/ Et sur le fait également que ces pilotes français qui arrivent à courir, galèrent autant d'années en années pour trouver des sponsors qui leur permettrait de boucler financièrement leur budget pour l'année suivante ?
Là encore, je ne pense pas que seuls les Français galèrent. C’est partout pareil. Un Italien n’a pas plus de facilités. Avec l’écologie, la moto n’est plus à la mode et les sponsors n’ont plus trop envie d’investir dans un sport assimilé à la pollution.
8/ Pensez vous que Johann Zarco ait une chance de se battre pour le titre 125 ?
Bien sûr. L’an prochain, il intègre un excellent team (Ajo) qui a l’expérience et les moyens de se battre pour le championnat (deux fois champion du monde : avec Mike en 2008 et avec Marquez cette année). Avec une RSA préparée aux petits oignons, il a moyen de faire de belles choses, même si ça ne sera pas facile face à des adversaires aussi expérimentés que Nico Terol, Efren Vazquez, etc.
9/ Mike Di Meglio peut il faire une bonne saison au vue des difficultés de cette année sachant que lors de son année en 125 dans un team français ça ne s'est pas très bien passé ?
Fin 2007, on a cru que la carrière de Mike en Grands Prix était finie, et pourtant, il a su rebondir en 2008 et gagner le titre. Mike est un très bon pilote, un battant, un champion. S’il se sent bien entouré (sans se sentir oppressé) par son équipe, il est capable de faire une très belle saison d’autant qu’il sait comment on gère un championnat. Et ça, en Moto2, c’est un énorme avantage. Et puis comme on dit, un bon pilote reste un bon pilote. Il met plus de temps que d’autres à s’habituer au 4-temps, mais il y arrivera.
10/ Comment se passe un weekend de GP pour l'équipe de Sport-Bikes, combien de personnes se déplacent, comment vous organisez vous ?
D’abord, il faut savoir que Sport-Bikes est composé d’une toute petite équipe. Vraiment petite… Philippe Debarle couvre le Mondial Superbike, Tommy Marin suit en partie l’Endurance, le FSBK et les Promo, et moi, je vais sur à peu près la moitié des Grands Prix. Sur place, on a aussi des « correspondants » qui travaillent pour d’autres journaux étrangers (comme Mat Oxley ou Neil Spadling) ou qui font un autre métier (Jacques Hutteau). La plupart de nos collaborateurs sont des photographes et journalistes freelances, qui travaillent pour plusieurs clients. C’est le cas par exemple de notre photographe Stan Perec.
11/ Des interviews de pilotes c'est toujours très intéressants, et certainement difficile, mais ne pourrait-il y avoir davantage d'interviews de chefs mécanos, manager, techniciens des différentes parties liées aux GP ?
C’est intéressant, absolument, mais c’est la place qui nous manque. Avec 6 numéros de 100 pages par an, on a tout juste la place de passer une interview des principaux pilotes dans l’année. On avait une rubrique comme ça, en 2007, lorsque le magazine était passé en mensuel. Ainsi, Florian Ferracci (mécano), Jacques Hutteau (responsable Elf), Bernard Achou (kiné), Carlo Pernat et Eric Mahé (managers de pilotes) nous avaient parlé de leur métier. On a aussi parfois fait des interviews de Jeremy Burgess (chef mécano de Rossi) et de Guy Coulon (Tech 3). L’an dernier, on a eu celles de Davide Tardozzi (ex-team manager Ducati en SBK), Massimo Meregalli (team manager Yamaha SBK), etc. On essaiera d’en faire plus souvent. Et puis dans les synthèses des courses, on met souvent l’avis des chef-mécanos (par exemple Gilles Bigot pour le Moto2).
12/ on ne voit que très rarement le derrière du décor d'un GP, serait-il possible d'avoir un reportage sur les motor-home, les paddocks ?
On prévoit un beau sujet sur le montage du paddock pour 2011. Les motor-homes, c’est compliqué car c’est le jardin privé des pilotes et à part les Français que nous connaissons bien, les autres ne sont pas très chauds pour ouvrir la porte de chez eux. Et puis un motor-home, ce n’est qu’un immense camping-car, il n’y a rien de bien intéressant à part des paires de chaussettes par terre et du jus d’orange dans le frigo. Par contre, l’hiver dernier, Loris capirossi nous a accueilli chez lui à Monaco (voir SB n°63) et dans le prochain numéro d’hiver de Sport-Bikes (qui sortira en kiosque le 25 janvier), vous découvrirez la maison de Marco Simoncelli. C’est plus intéressant qu’un motor-home, non ?
13/ La rétrospective d'un championnat comme le championnat 250 en 2000 l'année du titre de Jacque pourrait donner lieu à un excellent article qui pourrait intéresser ceux qui ne l'ont pas vécu et qui ne savent pas comment cela s'est passé, et rappeler des grands moments à ceux qui l'ont vécu.
Pourquoi pas ? Mais là encore, c’est la place qui manque. En ce moment, on passe une série de très beaux articles sur la visite de tous les grands champions américains : Wayne Rainey, Kenny Roberts, Eddie Lawson, Kevin Schwantz, Freddie Spencer, etc. Une autre est prévue avec les Australiens (Doohan, Bayliss, Gardner..) et pourquoi pas en faire une avec les Français, qui nous raconteraient les meilleurs souvenirs de leur carrière (Roche, Sarron, Jacque, Laconi, etc.) ? Et puis pendant des années, Sport-Bikes présentait dans chaque numéro une rubrique rétro avec l’histoire de toutes les anciennes gloires des GP (Agostini, Hailwood, etc.) écrite par Philippe Michel, qui nous a malheureusement quittés depuis. On en avait fait un peu le tour, mais ce n’est pas dit qu’on ne la reprenne pas d’ici quelques temps.
14/ Lors des 24h du Mans ou du Bol d'Or, moto-journal fait un supplément avec toutes les motos engagées, les pilotes etc ... serait-il possible d'avoir la même chose en début de saison ?
Pour l’Endurance seulement ? On le fait chaque année pour les Grands Prix et le Superbike dans notre Guide de la saison qui sort en mars, juste avant le premier GP. On présente tous les teams, pilotes, machines de toutes les catégories. Pour l’Endurance, malheureusement, on n’a pas assez d’infos en début d’année pour pouvoir publier ne serait-ce qu’une liste des engagés, qui ne sort qu’à quelques jours de la première épreuve.
15/ Une partie plus technique abordant au fil des n° de Sport-Bikes une à une les machines de GP dans le détail serait-elle envisageable ?
Dans quasiment chaque numéro, Neil Spadling vous explique très bien dans ses dossiers techniques des points importants comme les pneus, les moteurs, le traction control… En début de saison, dans le guide, il détaille les nouvelles machines de MotoGP (nouvelles pièces, changements apportés). Cependant, les constructeurs font en sorte de ne pas trop divulguer leurs secrets : ils mettent souvent à l’abri des regards ou des photographes indiscrets les machines quand les mécaniciens les démontent. Difficile, dans ce cas, de faire des dossiers vraiment détaillés sur les entrailles des MotoGP.
16/ Votre magazine est bi-mensuel pensez vous revenir à une édition mensuelle dans l'avenir ?
On a tenté de le faire en 2007, mais la formule n’a pas marché et le magazine a même failli disparaître (plus d’embauches pour moins de vente). Donc on s’est dit, mieux vaut essayer de continuer à sortir un beau magazine tous les deux mois, imprimé sur du beau papier et avec de belles photos et, on l’espère, des reportages intéressants. En parallèle et en complémentarité totale avec le magazine, on a créé le site internet, qui traite de l’actualité quasiment heure par heure de la compétition moto. D’ailleurs depuis que la formule web + magazine existe, les ventes du magazine ont progressé de 15%, ce qui est vraiment inattendu en ces temps de crise pour la presse papier. Je pense qu’on a aujourd’hui un bon compromis entre l’actualité traitée sur le site en temps réel, et un beau magazine papier à savourer ou emmener là où ça vous plait, qui sort tous les deux mois.
En exclusivité pour Forum-motoGP.com, Diane nous dévoile la couverture du nouveau numéro de Sport-Bikes "Spécial Champions" qui sera disponible en kiosque à partir de jeudi 25 novembre.
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Un grand merci à Diane pour cette interview au nom du staff de Forum-motoGP.com et des forumeurs.
Interview exclusive de Sport-Bikes -
23/11/2010, 17h20
Mode linéaire
