FOOTBALL
19 francs la torche interdite
Renaud Tschoumy | Le Matin
Cet objet que l’on n’a pas le droit d’introduire dans les stades est disponible dans les magasins nautiques.
© Michel Perret
Tout commence par une question en entrant dans le magasin nautique. «Auriez-vous une torche de détresse?» La réponse est précise: «Oui Monsieur. Elle coûte 19 francs. Mais je serai obligé de prendre votre identité et d’attirer votre attention sur l’article de loi qui stipule qu’il est interdit de l’utiliser à des fins de divertissement.»
Ce n’est pas plus difficile que cela. Et c’est ainsi que les «supporters» qui mettent le feu aux tribunes se procurent leur objet interdit, qu’ils arrivent la plupart du temps à introduire dans les stades, malgré les interdictions et les contrôles.
Au magasin spécialisé Marine Pro, au port d’Ouchy, le directeur, Bernard Ziorjen, a reçu la visite de la police à la fin de l’été. «Elle est venue me demander de procéder à des contrôles d’identité de chacun des acheteurs. Depuis, je l’avoue, j’en vends moins.» Il y a un rien de dépit dans son ton.
Mesures pas assez dissuasives
La loi fédérale sur les substances explosibles stipule qu’il faut être âgé de 18 ans pour acheter ce type d’objet. L’alinéa 5 de l’article 15 précise qu’il est «interdit d’utiliser à des fins de divertissements des matières explosives et des engins pyrotechniques destinés à d’autres buts».
En clair, une torche de détresse ne peut être utilisée que lorsqu’on est en détresse, sur son bateau, au milieu du lac. Mais les ultras en ont une conception bien différente, et ils ne craignent pas d’enfreindre la loi pour réussir à faire passer leurs fusées dans les stades.
«On ne compte plus le nombre d’objets que nous confisquons lors de nos fouilles», rétorque Urs Stadler, responsable communication de Securitas SA. Evidemment. Mais on ne compte pas non plus le nombre de torches qui réussissent à être introduites dans les enceintes sportives, à preuve le déluge de fumée et de feu qui a envahi la Pontaise dimanche et qui a conduit le président de Grasshopper à fermer le virage de ses supporters lors du prochain match de GC à domicile. «Les mesures ne sont pas assez dissuasives, déplore le président de Lausanne-Sport,
Meilleur marché en France
Jean-François Collet. On demande depuis longtemps à la police que chaque personne trouvée en possession d’un objet illicite soit interdite de stade, mais on se fait répondre que ce n’est pas possible et qu’on s’arrête à la confiscation du matériel.» Ce qui ne suffit évidemment pas à empêcher un fan décidé de tenter le coup, voire de récidiver.
Même si les contrôles d’identité à l’achat ont fait diminuer la vente de ces torches de détresse, un ultra qui désire s’en procurer parviendra donc aisément à ses fins. Et pour peu qu’il ait un véhicule et un peu de temps devant lui, il peut pousser jusqu’en France, où une grande chaîne de magasins de sports propose de ces torches en trio pack et bien meilleur marché qu’en Suisse (lire encadré). Et puis, outre-frontière, les acheteurs n’ont pas besoin de décliner leur identité à la caisse.
Ce n’est donc pas demain la veille qu’on réussira à éviter que des supporters (ou prétendus tels) entrent dans les stades armés de torches de détresse. Armés? Quand on sait que la température de la flamme peut atteindre 1000 degrés, le terme prend tout son sens.