Decastel: «Un entraîneur est fait pour être viré»
Football
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Nouveau coach du FC Sion, Michel Decastel évoque ses priorités, l’importance du spectacle et ce qui le distingue de son prédécesseur. Tout en posant un regard lucide sur l’évolution et les risques de son job.
Interview: Nicolas Jacquier. Mis à jour le 21.09.2012 21 Commentaires
Michel Decastel est conscient des énormes attentes autour du FC Sion.
Image: Sabine Papilloud
Super League
8e Journée
01.09.Lausanne -
Grasshoppers0 : 201.09.Sion -
FC St.Gall0 : 302.09.FC Lucerne -
Young Boys1 : 202.09.
FC Thoune - Servette3 : 002.09.FC Bâle - FC Zurich0 : 0État: 02.09.2012 17:52
Classement
NomJVNDButsP1.FC St.Gall853013:5182.Grasshoppers852110:5173.Sion851 210:5164.FC Bâle834112:8135.Young Boys833211:6126.FC Thoune83148:9107.FC Zurich82339:1198.FC Lucerne81348:1369.Lausanne81255:12510.Servette8026 3:152État: 02.09.2012 17:56
9e Journée
22.09.FC Zurich - Grasshoppers- : -22.09.Sion - FC Thoune- : -23.09.Lausanne - FC Lucerne- : -23.09.FC St.Gall - Servette- : -23.09.Young Boys - FC Bâle- : -
- En détaillant votre parcours, on s’aperçoit que vous êtes très souvent retourné dans des clubs qui vous avaient parfois viré. Ainsi avez-vous effectué un deuxième passage à l’Espérance de Tunis, puis à Sfax tout comme au Maroc, à Casablanca, avant ce come-back valaisan. Faut-il y voir plus qu’un simple hasard, un besoin viscéral de revenir sur vos traces?
Il faut croire que j’ai chaque fois été regretté! C’est aussi une manière de ne pas partir dans l’inconnu, de poursuivre ce qui a été commencé. Curieusement, c’est chaque fois dans des clubs où j’ai gagné des titres de champion ou des Coupes, parfois les deux.
- Il y a quelques années, dans ces mêmes colonnes, vous aviez pourtant juré que vous ne reviendriez jamais à Sion tant que Christian Constantin en serait le président…
On ne devrait jamais dire jamais, ou ne plus s’en souvenir. L’âge et l’expérience aidants, on apprend à relativiser. On se blinde. (…) En revenant en Valais, j’aimerais être plus qu’un entraîneur de passage. J’espère y battre mon record de longévité. J’ai aussi eu l’envie de me poser pour me rapprocher de ma famille, de retrouver mes racines helvétiques après avoir autant vadrouillé.
- Si votre prédécesseur n’avait pas brisé la loi du vestiaire, vous ne seriez pas là…
C’est clair que sans ce couac avec les joueurs, les choses n’auraient sans doute pas tourné comme ça. Entraîneur, c’est aussi ça, tout est affaire d’opportunités. Vous êtes là un jour sans savoir si vous serez encore présent le lendemain.
- Dans la vie d’un homme du banc, qu’y a-t-il de plus important que les trois points?
Rien! La survie d’un entraîneur dépend des seuls résultats. Cela ne va pas au-delà. On sait que l’on est fait pour être viré. Avec un seuil de tolérance qui a tendance à se réduire toujours davantage. Ce que des dirigeants toléraient pendant quelques mois hier n’excède pas quelques semaines aujourd’hui. Dans le Maghreb, une défaite dans un derby est souvent déjà synonyme de limogeage. Lorsqu’un coach perd, c’est de sa faute; lorsqu’il l’emporte, le mérite en revient aux joueurs. Quand on connaît les règles du jeu, on les accepte mieux. On est toujours l’homme de la situation quelque part, ailleurs.
- D’ordinaire, on reprend des clubs à la dérive, en perdition sportive. Dans le cas du FC Sion, vous héritez de l’ancien leader. Ce n’est pas tout à fait la même chose…
Les attentes sont énormes, à la hauteur des ambitions du président. Mais ce défi me plaît. Tout ce qui m’attend en termes de pression n’est rien par rapport à ce que j’ai déjà vécu de l’autre côté de la Méditerranée.
- La Suisse vue d’Afrique, c’était quoi?
Pas grand-chose. Il y a un décalage culturel. La Suisse existe plus à travers les clichés qu’elle véhicule à l’étranger que son football. Même si nos résultats sont bons.
- A quoi tenait chez vous ce besoin d’Afrique? A travers votre âme de baroudeur, n’était-ce pas aussi une manière d’exister plus intensément?
Quand j’ai bouclé ma valise et quitté le Jura pour Abidjan, je ne pensais jamais que mon aventure allait durer si longtemps. Après les coups d’Etat en Côte d’Ivoire, tout s’est enchaîné. J’ai vécu des sensations, des épopées inimaginables, emmagasiné des expériences que l’Europe ne pouvait pas me donner. Zimbabwe, Nigeria, Soudan, Egypte, Mali, etc.: j’ai pu visiter tous les pays africains, souvent dans des conditions rocambolesques. Là-bas, tout prend une autre dimension, dans les excès aussi. Même dormir se fait sous pression! Les supporters vivent pour leurs clubs, à travers eux, n’ayant souvent rien d’autre. Il en résulte une folie ordinaire proche du fanatisme.
- Avez-vous pu souffrir d’être mal ou alors pas assez considéré en Suisse?
On a tendance à ne pas vouloir considérer un titre décroché en Tunisie ou au Maroc à sa juste valeur. On croit que c’est facile alors que c’est tout l’inverse.
- Par rapport au FC Sion de Fournier, à quoi ressemblera celui de Decastel?
Nos conceptions ne sont pas les mêmes. Sion a fait des résultats en faisant preuve d’autant de solidité que de réalisme. Je me porte plus vers l’avant. On doit avoir envie de se faire plaisir pour réussir à en donner. J’aimerais voir un certain panache, retrouver le goût de l’offensive. Cela doit rester un spectacle. Pourquoi tout le monde aime Barcelone? Parce qu’il y a plus un spectacle qu’un match.
- Après avoir pu en faire une radiographie depuis 15 jours, quel diagnostic posez-vous sur le groupe?
J’ai senti des joueurs réceptifs, une immense volonté de pro-gresser et des échecs à évacuer. Quand vous perdez deux fois de suite, on commence vite à douter. Il faut se raccrocher au travail pour retrouver un fil rouge en même temps que des certitudes.
- Pourquoi est-ce si difficile de bien jouer au football?
Parce qu’il y a un adversaire pour vous faire déjouer! Les clés d’une rencontre sont de plus en plus difficiles à trouver. Bien disposée tactiquement, une supposée petite équipe peut aisément en contrer une plus forte.
- Ce printemps, vous avez vécu un drame familial avec la mort de votre frère. Comment surmonte-t-on une telle épreuve?
Je revois défiler nos souvenirs de gamins et tout ce qui nous liait. C’est arrivé tellement connement… Quand l’hélicoptère est arrivé, c’était trop tard. Jean-Philippe a été enterré le jour de son anniversaire. Face à l’adversité, on n’est pas grand-chose, une petite aiguille dans le vaste monde. Si elle se perd…
- Appréhendez-vous votre deuxième «première» à Tourbilllon, demain face à Thoune, dans ce qui sera aussi un duel entre Neuchâtelois avec la présence de Challandes sur le banc adverse?
Un peu. Il faudra afficher de la détermination et faire preuve d’efficacité offensive. Tourbillon doit redevenir une forteresse, un lieu craint, redouté.
- Sion possède-t-il le potentiel pour être champion?
Oui, cela peut être notre année; à condition d’effectuer quelques retouches à Noël.