MOTOCYCLISME
Et s'il avait juste raison?
![](http://www.lematin.ch/files/imagecache/230x180/stories/moto_33.jpg)
Image © Sébastien Féval
Le Châtelois Jacques Marilley, 37 ans, mène un combat étonnant: il a construit de A à Z une moto de course. Et rêve d'en faire un jour l'outil idéal pour la relève.
Jean-Claude Schertenleib - le 11 février 2010,
Le Matin
Formula bike
Châtel-Saint-Denis
Masochiste? Assurément, quand il dit: «C'est quoi, mon parcours en moto? Peut-être deux heures de pur plaisir pour des milliers d'heures - et de francs - de travail!» Utopiste? Peut-être, quand il hausse le ton de sa voix et qu'il se persuade que, «bon sang, rassurez-moi, le pouvoir sportif (ndlr: la Fédération internationale ) ne s'est pas vendu définitivement aux sociétés commerciales qui gèrent les deux principaux championnats du monde»?
Une moto?Non, tout un concept
Il est ainsi, Jacques Marilley, 37 ans, passionné depuis toujours de compétition, désormais constructeur de motos de course... dès qu'il a du temps et de l'argent pour améliorer «son» bébé. Ce bébé? Une 125 cm3 qu'il a baptisée Formula Bike, «parce que cela fait bien d'avoir un nom en anglais.» Plus qu'une moto, c'est un concept complet, pour lequel l'homme se bat depuis cinq ans.
«Parce qu'on ne peut pas continuer comme cela.» Il s'agite, notre Don Quichotte de Châtel-Saint-Denis, et ses yeux brillent quand il articule des chiffres: «100 000 fr. pour une saison de championnat d'Allemagne en 125, c'est n'importe quoi. Et pour quel service? Pour apprendre à paraître, pour oublier la base du travail, pour occulter le raisonnement technique. Non, tout cela n'est pas sain.»
«Pseudo-spécialistes»
Alors, dans l'atelier installé au rez-de-chaussée de la maison familiale, Jacques Marilley est devenu constructeur: «Un châssis tubulaire, dans lequel un moteur de karting ( ndlr: T M, de production italienne) a été installé. Pourquoi tout compliquer? Pourquoi obliger les pilotes de la relève à ne croire que des données digérées par des ordinateurs et traduites par des pseudo-spécialistes. Avec ma moto, même le fils d'un jardinier qui n'a jamais tenu un tournevis va pouvoir apprendre, s'amuser, peut-être même comprendre.»
Son idée forte? «Trouver, en Europe, cinquante pilotes. Chacun paierait 25 000 euros pour une saison et le système s'autofinancerait: à chaque course, les moteurs que nous fournirions seraient attribués par tirage au sort. Comme la simplicité d'utilisation a été le mot d'ordre de tout le développement, un jeune gars pourrait ainsi se former à des conditions financières normales. Pas comme aujourd'hui...»
Le teint de Jacques Marilley vient de changer. L'homme bout: «Lorsque je me rends dans un paddock d'une manche d'un championnat comme celui d'Allemagne, je m'énerve. C'est quoi ce cirque? C'est quoi ces chiffres? Des parents dépensent des sommes importantes pour pas grand-chose; et qu'on ne me parle pas de retour sur investissements pour les rares sponsors, ce n'est juste pas vrai. On fait quoi, à cet échelon? Avant que le pilote ne comprenne les bases du métier, on le transforme en star. Après une séance d'essais, le plus important, pour ces apprentis champions, c'est d'aller jouer les jolis coeurs auprès des midinettes! Moi, je préférerais voir un bon débriefing entre le pilote et le technicien, où il serait question de sensations éprouvées.»
Cette saison, Jacques Marilley va aller montrer sa Formula Bike aux quatre coins de l'Europe. A la recherche de 50 candidats: «Et si l'intérêt n'est pas là, j'arrêterai tout», dit-il... sans en croire le moindre mot.
Jacques Marilley: «Avec ma moto, même le fils d'un jardinier qui n'a jamais tenu un tournevis va pouvoir apprendre, s'amuser, peut-être même comprendre.» Sébastien Féval
v