MOTOCYCLISME
Mort de Tomizawa: l'équipe va survivre
Image © Keystone
Victime d'un accident mortel dimanche lors du GP de Saint-Marin, le Japonais Shoya Tomizawa a été autopsié hier, avant que son corps ne soit rendu à ses parents
Jean-Claude Schertenleib - le 06 septembre 2010, 21h44
Le Matin
Lendemain de drame. Comment oublier l'inoubliable? Comment accompagner ce couple japonais qui a atterri hier soir à l'aéroport de Bologne, Mme et M. Tomizawa, les parents de Shoya? Comment entourer Dominique Aegerter, l'équipier, le copain, le complice, celui avec qui Shoya avait prévu d'organiser une grande fête pour leur 20e anniversaire, au début de l'hiver? Comment résister à la douleur? C'est désormais la tâche des responsables du team Technomag-CIP. Dimanche, c'est Olivier Métraux, le partenaire principal de l'équipe, qui a dirigé les opérations; hier, c'est Fred Corminboeuf, l'homme de terrain, qui a pris le relais.
Autopsie ordonnée
Première étape, l'Institut de médecine légale de Bologne: «Comme certains médias italiens se sont posé des questions sur le fait qu'à l'endroit de l'accident le bord de la piste était garni de gazon artificiel, qui ne serait pas un gage de sécurité absolu, le procureur de la République a fait saisir la moto et l'équipement de Shoya et a ordonné une autopsie, pour que son enquête soit complète», explique Corminboeuf.
Deuxième étape, l'aéroport de Bologne: «Les parents de Shoya sont arrivés hier soir. Nous les attendions avec Noboru Ueda (ndlr: l'un des premiers pilotes japonais qui était venu s'installer en Europe dans les années 1980) qui va s'occuper d'eux et du rapatriement du corps au Japon.»
Troisième étape, l'entourage du pilote qui reste, Dominique Aegerter: «Dimanche, nous avons tous beaucoup pleuré, ce qui nous a fait du bien. Lors d'un repas commun, j'ai tenu à rappeler que nous allions poursuivre notre aventure. Parce que Shoya l'aurait voulu. Le choc est terrible et nous allons tous entourer Aegerter du mieux que nous pourrons. Parallèlement, un travail psychologique va être effectué, car Domi ne doit pas avoir l'impression qu'il prend la place du pilote disparu. Pour les quatre prochains GP, il sera le seul représentant de notre équipe. Nous alignerons peut-être un second pilote lors des deux dernières courses, en vue de 2011.»
Hier après-midi, Dominique Aegerter est arrivé à Rohrbach, son village de la campagne bernoise. Où il a tout de suite été entouré par sa famille: «La mort fait partie de la vie. Dominique le sait, il entend poursuivre sa carrière, nous le comprenons et nous l'acceptons», remarque Fere, le papa de l'espoir suisse de la moto.
3 questions qui se sont posées dimanche soir après le drame
Le nombre de pilotes en piste augmente-t-il les risques?
Ils étaient 38 à se présenter au départ du GP de Saint-Marin Moto2, dimanche à 12 h 15, sur le circuit Santamonica de Misano. La catégorie, qui connaît des débuts dramatiques cette année, est la plus fournie du championnat. D'un point de vue purement statistique, le risque qu'un pilote à terre soit heurté par une autre machine augmente bien sûr proportionnellement au nombre de motos en piste. Mais dans la pratique, ce genre d'accidents ne met rarement en cause plus de trois ou quatre pilotes, les autres ayant le temps - même si tout se joue en quelques dixièmes de seconde - d'éviter les obstacles à terre.
Le sort de Tomizawa aurait-il été différent avec des 250 cm3?
Remplaçante de la catégorie 250 cm3, la classe Moto2 est ouverte à des motos plus lourdes (135 kg, contre 100 aux machines utilisées jusqu'à l'an dernier). La masse en mouvement étant supérieure, le choc est - c'est physique - plus important à même vitesse. Mais dans le cas qui nous intéresse, Shoya Tomizawa ayant été touché une première fois (visiblement au niveau du haut du corps, par la moto d'Alex De Angelis) et une seconde (à la hauteur de l'abdomen, par la moto de Scott Redding), les blessures occasionnées auraient été aussi sévères avec des motos plus légères. C'est en tous les cas ce qu'affirment les médecins du circuit.
A-t-on déplacé trop rapidement son corps?
Alors qu'on apprend à l'école qu'il ne faut jamais bouger un corps lorsqu'on arrive sur les lieux d'un accident, certains ont été surpris de la rapidité des commissaires de piste à installer Tomizawa sur une civière: «Ce fut la bonne décision, précise le chef médical des GP, le Dr Claudio Macchiagodena. Le blessé étant en situation d'arrêt cardiaque, plus vite on pouvait lui prodiguer des soins de réanimation, plus les chances de le sauver étaient grandes. Hélas, les blessures internes étaient trop importantes.»