«Le pire, c'est que j'aime ces situations»
Football
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Christian Constantin, président d’un FC Sion à la dérive, admet une part de responsabilité. Combatif voire buté, il charge ses joueurs et cherche à démontrer à quel point il est indispensable.
Par Simon Meier. Mis à jour à 07h19 46 Commentaires
Image: Laurent Crottet
Constantin fait-il tout faux?
CHRONIQUE D’UNE SAISON RATÉE
Septembre 2012 Sébastien Fournier est contraint de démissionner; les ennuis commencent…
Décembre 2012 Pierre-André Schürmann, qui avait remplacé Michel Decastel, est remercié après quatre matches.
Février 2013 Victor Muñoz, «victime» du vestiaire et d’un camp de préparation calamiteux, est viré.
Mars 2013 Le pouvoir est donné à Gennaro Gattuso, assisté du prête-papiers Arno Rossini.
Mai 2013 Pour stopper l’hémorragie, «CC» rappelle Decastel. Mais le fantôme sédunois ne réagit pas.
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Entre le 0-4 essuyé contre Servette et la Lex Weber, quel coup fut le plus dur?
On a une période un peu négative en Valais, tu vois. Entre les lois fédérales qui nous sont défavorables, le HC Sierre qui fait faillite et le
FC Sion qui ne met pas un pied devant l’autre (il se marre), ce n’est pas une vraie bonne période, hein.
Le FC Sion qui ne metpas un pied devant l’autre, ça nous fait penser à votre expression favorite du con qui marche et va toujours plus loin qu’un intellectuel assis. Un con qui ne met plus un pied devant l’autre, ça se casse la gueule, non?
C’est la preuve qu’on n’a que des intellectuels assis. Le problème dans un club, c’est quand c’est toujours la faute de l’autre. Tu tombes dans une situation où personne ne se remet en question, moi le premier. Là, je n’ai plus qu’un grand Airbus, sans kérosène. Donc l’avion se «scratche».
Si le pilote, c’est l’entraîneur, vous, vous êtes quoi?
Moi, je suis dans la tour de contrôle, je donne mes lignes. Si je me trompe de casting, ça n’aide pas l’avion. Mais les résultats, l’opérationnel sportif, ce sont le staff et les joueurs. Moi, je suis uniquement là pour mettre les gens en place.
Donc votre degré de responsabilité est grand…
La chance d’être joueur, c’est que tu peux te cacher. Quand ça va bien, le joueur bombe le torse. Quand ça va mal, c’est la faute à l’autre. La défaite est difficile à attribuer à un type ou à une seule raison.
Comprenez-vous qu’après tout ce qu’ils ont vécu, les joueurs puissent être brisés?
J’ai une grande compréhension pour ça. Mais ils sont brisés par quoi? Je ne vois pas en quoi ils pourraient être brisés, si ce n’est les résultats sportifs.
Vous ne semblez pas prêt à avouer vos fautes…
Mais des fautes, des fautes… J’ai fait une faute grave en n’offrant pas une préparation de qualité à l’équipe en Calabre ou en sortant Gattuso de son rôle sur le terrain. Aujourd’hui, je ne peux pas dire que les résultats, ce n’est pas de ma faute: je signe tous les contrats.
N’avez-vous pas l’impression que l’équipe joue contre son président? Peut-être qu’ils jouent contre le président.
Qu’est-ce que ça vous inspire? Ça m’inspire que je paie des types qui jouent contre moi. C’est la vie du monde, c’est la réalité (il rigole). Chacun est l’homme qu’il doit être. Moi, je suis un homme qui voit et qui comprend les défauts des gens. Depuis que l’être humain est humain, la trahison existe. Judas, je crois qu’il arrive assez vite dans la Bible. Les gens qui arrivent à ne pas trahir, à ne pas être jaloux, à avoir toujours envie, à assumer leur parole, entrent plutôt dans l’exception que dans le commun des mortels.
Vous en faites partie?
J’ai toujours dit et assumé ce que je faisais.
Et maintenant, que faire?
Quand le FC Sion perd, il y a un canton qui souffre – quand il gagne, il trouve ça plutôt normal. Ce match contre Thoune nous donne une chance de qualification européenne. Ce n’est pas si mal.
Ça ne répond pas à la question…
Soit on laisse aller les choses, soit on essaie de sauver ce qui doit l’être. Le style de la maison, c’est plutôt ça. Il nous faut une équipe pour entrer sur ce terrain, et qu’elle soit debout. L’équation n’est pas simple, hein… J’imagine certaines choses. Mais pouvoir inverser la situation maintenant, ce serait un miracle.
Michel Decastel, abattu, et on le comprend, sera-t-il sur le banc?
En l’état, c’est lui qui donne l’entraînement. Mais il souffre parce qu’il n’arrive pas à faire du foot.
Quand les supporters demandent «la tête du roi», quand Le Nouvelliste parle de «honte d’être Valaisan», ça vous fait mal?
La situation ne me fait pas plaisir. Après, qu’ils crachent sur moi… Je m’en fous.
N’avez-vous pas l’impression de trahir les valeurs de ce club et de ce canton?
Tu trahis quand tu fais des choses contraires aux intérêts de la cause que tu défends. Moi, je fais des choses basées sur un raisonnement dont j’espère qu’il améliorera les choses. Cette saison est merdique parce qu’on n’a jamais pu jouer au foot.
Cela vous permettra-t-il de tirer une leçon quant à votre gestion?
Je constate que j’ai de meilleurs résultats quand je suis plus impliqué dans le club que cette saison, où j’ai un peu laissé les choses se faire.
Changer cinq fois d’entraîneur, c’est laisser faire? Vous accusiez vos joueurs de tout mettre sur la faute des autres, mais vous faites pareil…
Tu as mal compris. J’ai changé d’entraîneur en fonction de ce que les résultats et le groupe me disaient. Changer d’entraîneur, ça ne veut pas dire que tu t’impliques; tu prends une décision. Je me suis trop dégagé de mes responsabilités sportives. J’ai mal fait mon boulot de président.
Cela vous a-t-il traversé l’esprit de tout lâcher?
Le FC Sion est une SA qui m’appartient. Si je dis: «Allez chier!» soyons clairs, on fait une croix sur le club. On renonce et on redescend en 1re ligue.
Donc Christian Constantin est indispensable?
Je n’ai pas dit ça. Je dis juste que je connais mes responsabilités.
N’êtes-vous jamais fatigué par tout ça?
On ne vit qu’une fois. Pendant que tu as des problèmes à régler, des passions à assouvir et des envies à développer, ta vie est forcément plus sympathique. Ce qu’on a aujourd’hui, finalement, c’est du théâtre. Des types qui gueulent parce qu’ils ne sont pas contents, d’autres qui boudent…
Pourriez-vous en passer, de ce théâtre?
A condition de me trouver une autre passion. C’est aussi à mettre en relation avec l’âge. Il y a peut-être un moment où j’aurai envie de me mettre au golf. Mais j’aime bien ma vie. Il n’y a aucune trace de lassitude. J’ai peut-être une saison et demie de merde sur quatre, mais sinon, c’est bonnard. Le pire de tout, c’est que j’aime bien ces situations compliquées. Au fond, je ne sais pas si c’est du FC Sion ou des emmerdes sempiternelles que j’ai besoin.
Donc vous faites exprès de semer le souk?
Non, ce n’est pas juste. Si je pouvais tout gagner, je choisirais ça. (Le Matin)