Tour de France (1/10) : Le Tour des Tours
La rédaction a sélectionné ceux qu'elle considère comme les dix plus beaux Tours de France parmi les 99 éditions déjà courues. Chaque jour, jusqu'au mardi 25 juin, nous vous les présentons l'un après l'autre. Vous disposerez ensuite de deux jours (les 25 et 26 juin) pour voter et élire le Tour des Tours. Résultats dans L'Equipe du vendredi 28 juin, à la veille du départ du 100e Tour.
1926 : LA GROSSE GALERE
C'est le temps des « Forçats de la route ». Le 20e Tour de France est le plus long, peut-être l'un des plus durs.
BAGNERES-DE-LUCHON (Haute-Garonne), 6 juillet 1926. - Dans le froid et le brouillard, le Belge Lucien Buysse remporte en un peu plus de 17 heures une 10e étape dantesque. (L'Equipe)
Sans doute le Belge Lucien Buysse (prononcez quelque chose comme Beuyeze…) n’apparaît-il pas comme le plus « sexy » des vainqueurs du Tour. Il porte, comme ses contemporains, des culottes de laine qui baillent sur les cuisses, surtout quand la pluie vient les alourdir. Deux ans plus tôt, le grand reporter Albert Londres a employé l’expression « Forçats de la route » pour décrire la condition des coureurs. Elle s’applique à merveille aux concurrents du Tour 1926, le 20e de l’histoire, mais le plus long de tous les temps : 5 745 kilomètres.
La longueur de l’épreuve semble rebuter les concurrents et, de fait, ce Tour n’est pas vraiment spectaculaire. Pas moins de dix étapes se terminent au sprint, ce qui n’est pas très courant pour l’époque. Mais cette édition lancinante s’avère aussi l’une des plus éprouvantes. C’est l’enfer dans les Pyrénées. L’étape Bayonne-Luchon passe pour l’une des plus dures de toute l’histoire. Des 76 rescapés qui ont pris le départ de Bayonne à 3h du matin, seuls 47 rejoignent dans les temps Luchon que le vainqueur, Lucien Buysse, atteint après 17 heures, 12 minutes et 4 secondes de route cahoteuse. Le deuxième de l’étape, l’Italien Aimo, est à 25 minutes, Nicolas Frantz, qui remportera les deux éditions suivantes, 5e à près de trois quarts d’heure.
Dans sa mansuétude assez inhabituelle, le « patron », Henri Desgrange, décide de porter les délais d’élimination à 40% au delà du temps du vainqueur, ce qui a pour effet de repêcher sept coureurs qui ont mis plus de 22 heures (!) à effectuer le parcours de cette journée dantesque. Encore faut-il préciser qu’il a fermé les yeux sur quelques tours de passe-passe puisque sur les allées d’Étigny, à Luchon, un chauffeur d’autocar s’inquiète de savoir qui va payer la note pour le transport des coureurs qu’il a recueillis à son bord…
Dans le brouillard et le froid qui enveloppent la montagne, certains ont dû pisser sur leur matériel pour dégeler la roue libre, déjà bloquée par la boue des ornières dans l’Aubisque ou le Tourmalet. Ce sont vraiment les temps héroïques. Quant à Lucien Buysse, dur au mal, il récidive dans Luchon-Perpignan et n’est plus inquiété jusqu’à Paris. Où le dénommé Drobecq, 41e et dernier du classement général, pointe à vingt-quatre heures et des poussières.
Le classement
1. L. Buysse (BEL, Automoto), les 5745 km en 238h44’25’’ (moy. : 24,273 km/h.) ; 2. Frantz (LUX, Alcyon), à 1h22’25’’ ; 3. Aimo (ITA, Alcyon), à 1h22’51’’ ; 4. Beeckman (BEL, Armor), à 1h43’54’’ ; 5. Sellier (BEL, Alcyon), à 1h49’13’’ … 8.
Cuvelier (Météore), à 2h28’32’’… 47.
Drobecq, à 24h59’3’’.- 124 partants ; 41 classés.
Les repères
En France.- Face à la crise financière, Raymond Poincaré forme un gouvernement d’union nationale qui met fin au cartel des gauches
Dans le monde.- Hiro-Hito consacré Empereur du Japon.
En sport.- Finale française au tournoi de tennis de Forest Hills où Jean Borotra bat René Lacoste.
En cyclisme.- Constante Girardengo, le premier «
campionissimo », remporte le 5e de ses six Milan-San Remo.
Sur le Tour.- Premier départ décentralisé en province. Le Tour démarre d’Evian.
Philippe BOUVET