motocyclisme
L’Espagne a triomphé en 2010, et demain?
Image © Keystone
Les trois titres mondiaux reviennent à des pilotes ibériques, une première. En 2011, tout devrait être différent.
Jean-Claude Schertenleib - le 07 novembre 2010, 20h45
Le Matin
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GP de Valence
Cheste
L’Espagne organise quatre des dix-huit GP au programme du championnat du monde. L’Espagne est une terre sur laquelle les circuits ont poussé comme les champignons après une soudaine averse. L’Espagne abrite quelques-uns des meilleurs teams du monde et, surtout, les plus importants sponsors, alléchés par le «produit GP», générateur de retombées médiatiques importantes. Tout cela est archiconnu et l’exercice qui s’est terminé hier soir sur le circuit Ricardo Tormo de Cheste, près de Valence, n’a fait que le rappeler. Et de quelle façon: trois catégories, un triplé et deux doublés ibériques au final. Mais pas en course, hier.
De premier signes
Est-ce dire que la concurrence «étrangère», qui se demande depuis longtemps comment faire pour mettre fin à pareille domination, a déjà trouvé les armes idoines? L’affirmer serait présomptueux. Reste que les signes sont là, de plus en plus nombreux.
En 125 cm3, le Britannique Bradley Smith a mis fin à une série de 26 GP remportés par des Espagnols; et ce n’est pas tout à fait par hasard, puisque la Grande-Bretagne a été l’un des premiers pays de l’ère moderne à tenter d’imiter ce qui se faisait de mieux au monde, soit la filiale espagnole, bien sûr. Reste qu’avec Smith, plus encore avec le formidable Scott Redding (à 17 ans, il termine huitième du Mondial Moto2), cette terre où sont en partie nés les sports mécaniques, semble sur le point de retrouver une place plus en rapport avec son importance historique.
Deuxième signe, qui nous concerne au premier chef, c’est la nationalité du champion du monde des constructeurs en Moto2: une entreprise suisse, celle des frères Suter, à Turbenthal, dans la campagne zurichoise.
La technologie gagnante
Ce succès, qui peut paraître à certains de seconde importance, est primordial pour l’avenir du motocyclisme suisse. Car notre pays, plus que la plupart de ses grands voisins – on pense plus particulièrement, ici, à la France et à l’Allemagne – a des atouts à plusieurs niveaux. De bons pilotes, bien sûr, dont un champion du monde (Thomas Lüthi), une technologie de pointe (la preuve par le triomphe de Suter), mais aussi des partenaires importants qui savent qu’un retour important sur leurs investissements existe, via la tradition médiatique du sport motocycliste, boostée bien sûr par la couverture du diffuseur national de télévision.
Du coup, l’intérêt pour le championnat 2011 est d’ores et déjà assuré, puisqu’on retrouvera sur la même ligne de départ deux projets 100% suisses très proches l’un de l’autre, le premier autour de Thomas Lüthi, le second avec Dominique Aegerter.
La cuisine italienne
La Grande-Bretagne et la Suisse ne seront pas les seuls à prétendre mettre fin à la domination espagnole. Le rôle de leader de l’opposition reviendra naturellement à l’Italie et à ses deux emblèmes désormais réunis: Valentino Rossi et Ducati. La cuisine italienne, internationale plus que toutes les autres, va donc connaître une saveur nouvelle dès demain matin, lorsque Rossi découvrira enfin la Ducati Desmosedici. Ces dernières années, les supporters étaient partagés entre les pro-Rossi et les pro-Ducati; désormais, c’est tout un pays qui va vivre aux exploits à venir et personne ne doute que la moto fabriquée à Borgo Panigale, dans la banlieue de Bologne, va encore se bonifier sous les conseils d’un maître queux en la matière, le plus grand de tous, Valentino Rossi. Message compris, messieurs Marquez, Elias et Lorenzo? Vous et vos compatriotes avez dominé le championnat du monde 2010 comme aucune autre nation avant vous. Mais en 2011, parce que la qualité de l’adversité donne la vraie valeur à la performance, la partie sera plus complexe que jamais pour vous.
Coup de coeur
Dominique Aegerter, le frère courage
20 ans à peine et déjà une histoire derrière lui. Celle du gamin du garagiste de Rohrbach (une bourgade bernoise), qui se fait les muscles sur des motos de cross, avant d’être découvert par Léo De Graffenried et Olivier Métraux. Le voilà en GP, ses cheveux blonds trop longs, son éternel sourire. Le voilà qui progresse, qui passe en Moto2, où il se découvre un complice idéal: Shoya Tomizawa. Les deux copains s’aident, se taquinent, rigolent. Jusqu’à ce terrible dimanche 5 septembre, lorsque Tomizawa trouve la mort à Misano. Aegerter pleure, mais il s’accroche. Il célèbre ses 20 ans au Japon, devant l’urne qui contient les cendres de son petit frère. Pas de sang, de course. Hier encore, Aegerter est entré dans le top 10. Tomizawa doit être content de lui.
Coup de blues
Thomas Lüthi, l’insaisissable
On en connaît beaucoup qui choisiraient un rock and roll joyeux plutôt qu’un blues triste pour saluer la quatrième place finale de Thomas Lüthi, lors de ce premier championnat du monde Moto2 de l’histoire. Pourtant, sa saison a été à son image: Lüthi reste un pilote insaisissable, capable du meilleur – il a été très bon à Valence hier, où il termine à moins de 2 dixièmes du podium – mais aussi du moins bon. Parfois même (au Portugal, il y a une semaine) du n’importe quoi. Reste que sur l’ensemble de la saison, il répond présent. Il sait qu’il est (encore) assez nettement le numéro 1 suisse de la disci-pline, mais il doit comprendre ces prochains mois qu’en 2011 on ne lui pardonnera rien. Ce sera le podium final ou la retraite anticipée.
Coup de génie
Valentino Rossi, le parfait communicateur
Chaque saison qui se termine apporte un peu plus de fierté à ceux qui, il y a quelques années, ont fait de Valentino Rossi un docteur honoris causa en sciences de la communication de l’Université d’Urbino. Rossi en 2010? Un homme battu, bousculé par son propre équipier, diminué dès le surlendemain du premier GP de la saison, puis blessé sérieusement à mi-championnat. Pour un être humain normal, assez pour se dire que le temps est venu de jouir d’une riche et longue retraite. Mais dans ce sens-là, Rossi ne sera jamais normal. Et, bien que battu, c’est encore de lui qu’on a le plus parlé. Et que l’on parlera le plus ces prochaines semaines, avec son passage chez Ducati. Hier, il a embrassé une dernière fois sa Yamaha bien aimée. Il la haïra dès demain!