BOXE
Valuev - Holyfield: le combat des géants
Image © Keystone
Valuev et Holyfield
Champion du monde WBA des lourds, le Russe Nikolaï Valuev remet son titre en jeu ce soir à Zurich face à l'Américain Evander Holyfield. Le Hallenstadion affiche complet
Fabiano Citroni - le 19 décembre 2008, 23h45
Le Matin
Valuev le poète
Il ne faut pas le prendre pour un âne. «Je sais que ce qui intéresse
les gens chez moi, c'est le phénomène. Mais partout où j'irai,
j'essaierai de prouver que je suis un champion, un vrai.» Le Russe
Nikolaï Vaduev, 35 ans, 2,13 m pour 141 kilos - un record - supporte de
plus en plus mal les surnoms dont on l'affuble. «Je ne supporte plus
qu'on dise que je suis un monstre. Je m'appelle Nikolaï. Pourquoi ne
pourrait-on pas m'appeler comme ça un jour?»
Champion du monde WBA des lourds, Valuev est «un boxeur qui fait
illusion», pour l'ancien journaliste de la TSR, Bertrand Duboux. «Il
n'a pas de punch et est lent. Il gagne car quand il en met une,
personne ne résiste.» L'ancien champion d'Europe Mauro Martelli se
montre bien moins sévère. «C'est un styliste qui boxe bien en ligne et
qui sait garder l'adversaire à distance.»
Il est très amoureux
Si le boxeur Valuev ne fait pas l'unanimité, l'homme passe pour un chic
type. On le dit très calme. Poète aussi. C'est d'ailleurs avec des
poèmes qu'il aurait séduit Galina, son épouse. Dont il est très
amoureux. Voici ce qu'il déclarait début 2007 après avoir conquis le
titre mondial à Bâle. «Quel cadeau vais-je m'offrir avec l'argent
gagné? Le plus cadeau arrive dans deux mois. Mon épouse attend un
deuxième enfant. Et je ne l'échangerais pas contre tout l'or du monde.»
Classe, non? Valuev peut encore se targuer d'être un lecteur assidu de
Tolstoï. Il serait aussi - mais ça, c'est moins glamour - un ami de
Poutine. En parlant d'ami, il a un bon manager: pour son combat contre
Holyfield, il se dit qu'il touchera 1 million de dollars.
Holyfield le fauché
Il aurait empoché plus de 200 millions de dollars dans sa carrière.
Dont 35 rien que lors d'un combat contre Tyson. Mais il est fauché. Il
a dû vendre sa propriété comportant 17 salles de bains et a du mal à
verser ses pensions alimentaires. Il faut dire qu'Evander Holyfield a
11 enfants.
Mais le multiple champion du monde le jure, s'il remet les gants à 46
ans, ce n'est pas pour l'argent. «Même si j'avais 100 millions, je
monterais sur le ring. Car j'ai un objectif bien précis.» Il vise une
cinquième couronne mondiale. S'il bat Vaduev, il deviendra aussi le
plus vieux champion du monde de l'histoire de la boxe. Mais il ne s'en
vante pas.
Holyfield ne veut surtout pas entendre qu'il fait le combat de trop.
«Beaucoup de gens me disent que je devrais arrêter. Mais toute ma vie,
on m'a dit de ne pas faire plein de choses. Parce que j'étais trop
pauvre, ou trop petit, ou pas assez lourd. Si j'avais écouté les gens,
je serais resté toute ma vie dans mon patelin.» A défaut d'écouter les
gens, l'Américain écoute Dieu. Et il se plaît à le répéter. «Si je
n'avais pas pris le chemin de Dieu, je ne serais pas le même homme.»
Boxeur alimentaire?
Reste la question: quel Holyfield verra-t-on ce soir sur le ring: le
puncheur qui s'était fait manger un bout d'oreille par Tyson en 1997,
mais qui ne s'était pas démonté? Ou un boxeur alimentaire? Pour
Bertrand Duboux, Holyfield est «au bout du rouleau. Mais s'il retrouve
un semblant de rapidité en uppercut, il peut jouer sa carte.» Quant à
Mauro Martelli, il estime qu'il a «de la poudre dans les mains» et
qu'il peut l'emporter «s'il rentre dans les limites de Valuev».
Vainqueur ou perdant, il devrait toucher un chèque de 750 000 dollars. Ses enfants lui disent: «Merci papa.»