MOTOCYCLISME
Junod brille en Pologne
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Gregory Junod
Double vainqueur ce week-end à Poznan, le pilote de Forel (Vaud) tient bien son rôle de mercenaire. Ou quand le marché polonais compte sur un ambassadeur suisse.
Jean-Claude Schertenleib - le 09 May 2011, 20h57
Le Matin
Championnat de Pologne Poznan
Troisième, avec 36 points: Bartek Wiczynski. Deuxième, également avec 36 points: Janusz Oskaldowicz. Leader du championnat de Pologne superbike après deux manches, avec 53 points: Gregory Junod. Ou quand «chassez l’intrus» devient un jeu d’enfant. Circuit de Poznan, premier week-end de mai 2011. Le team Suzuki Grandys duo pose pour l’éternité, au milieu de la piste. Et fait beaucoup de bruit en coulisses, car chaque succès est prétexte à une immense fête. Les pilotes vedettes du championnat de Pologne? Andy Meklau, un Autrichien de 44 ans qui est moins décidé que jamais à suspendre son casque au clou; Gwen Giabbani, un Français de 39 ans, et Gregory Junod, né il y a 23 ans à peine à Forel, canton de Vaud.
Un Vaudois qui gagne des courses motocyclistes en Pologne, à défaut d’y faire fortune: derrière cette aventure hors norme se cache un homme, Jacek Grandys, le distributeur Suzuki dans le pays. Dans un marché en crise – en 2009, 560 000 deux-roues motorisés ont été vendus en Pologne, une baisse sensible par rapport aux années précédentes –, il est persuadé que la compétition reste le meilleur outil de promotion à sa disposition. A condition d’y être pris au sérieux, donc de gagner. Il va donc engager des pilotes plus rapides que les meilleurs Polonais. Les premiers mercenaires de l’équipe sont Français, pigistes de luxe qui, une demi-douzaine de fois par saison, atterrissent à Varsovie, où ils sont reçus comme des princes.
Un record qui fait du bruit
Les chemins de Gregory Junod et de ce team haut en couleur se croisent l’an dernier à Most, en République tchèque, lorsque le Vaudois établit un nouveau record absolu de ce tracé, dans le cadre du championnat de Suisse. Les Polonais veulent savoir qui est ce jeune homme à la vitesse avérée. L’un des proches de Jacek Grandys, photographe sur les GP depuis plusieurs années, rentre en contact avec Junod: «Le championnat de Pologne allait faire étape à Most et Gwen Giabbani, le premier pilote de l’équipe, était engagé le même week-end en endurance; ils avaient donc besoin de quelqu’un capable de venir prendre des points importants au dernier concurrent de Gwen. Voilà comment tout a commencé.»
Les mercenaires de Jacek
Greg Junod fait le travail, le titre est sauvé, les bouchons sautent. Mission accomplie: les mercenaires de Jacek Grandys ont frappé. «Une aventure étonnante, reprend Junod. Et qui s’est poursuivie, puisqu’ils m’ont proposé de rouler pour eux cette saison. J’ai accepté, car en Pologne je n’ai pas besoin de payer pour rouler, comme c’est le cas en championnat de Suisse. Je ne suis pas salarié, mais j’encaisse les primes d’arrivée, ce qui est déjà pas mal.» Ce week-end, à Poznan, Junod a gagné aussi bien le samedi que le dimanche. Corollaire: les nuits furent courtes. «C’est vrai que tout est assez spécial. Les motos sont de qualité, bien entretenues, mais tout le monde, dans l’équipe, adore faire la fête», reprend le Vaudois.
Un énorme potentiel
Reste que si le boss est souvent le dernier à quitter le bar de l’hôtel – il y a quelques années, pour être le premier Polonais à déposer son bulletin dans l’urne pour les élections présidentielles, il avait fait le voyage du GP de Malaisie pour profiter du décalage horaire et il avait réveillé le consul à Kuala Lumpur avec une bouteille de whisky! – Jacek Grandys sait parfaitement que son engagement n’est pas vain. Les chiffres de vente de Suzuki en Pologne le prouvent: «Il ne faut pas se leurrer: même si les marchés, dans les pays de l’Est, manquent encore de stabilité, le potentiel de développement est énorme», précise un économiste de Varsovie.
Avec son mercenaire vaudois pour emblème, le team Suzuki Grandys duo l’a compris avant tous les autres.