Chasseurs de déprime
15. juin 2011, 21h55
Jean-Claude Schertenleib | Le Matin
Un sextuple champion du monde, plusieurs vainqueurs de GP, de vraies «gueules» et des bons mots, tel est le menu du rétro-moto proposé samedi du côté de Saint-Cergue.
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Le dernier rétro-moto de Saint-Cergue a eu lieu en 2009. Ici Jean-François Baldé en action. © DR
On les a connus jeunes, beaux et vainqueurs, dans leur cuir de couleur noire. Ils sont toujours jeunes (d’esprit), beaux (dans leur âme) et vainqueurs (des défis que leur a tendus la vie). Jim Redman, le Rhodésien aux six titres mondiaux, aura 80 ans en novembre prochain. Le Finlandais Teuvo Länsivuori, triple vice-champion du monde et l’Italien Gianfranco Bonera, sont beaucoup plus jeunes, à peine 66 ans. Et que dire des «gamins», Philippe Coulon et Jean-François Baldé, 60 ans, dignes représentants de la French Connection des Grands Prix des années 1970? Ces papys-là sont fiers de faire de la résistance, heureux de combattre les effets de l’âge, contents d’oublier les courbatures qui se font chaque année un peu plus gênantes; diantre, quand on a été pilote de course, on a toujours payé de son cœur et très souvent de son corps.
Chasseurs de primes? Non, plutôt chasseurs de déprime. Car lorsqu’ils découvrent, à Saint-Cergue samedi, mais aussi à Imatra – vous savez, le circuit qui accueillait le GP de Finlande, où l’on traversait une voie de chemin de fer à plus de 200 km/h –, à Spa-Franccorchamps ou, il y a quelques semaines, à Dijon-Prenois, les motos qu’ils vont devoir chevaucher, ils rajeunissent immédiatement de quelques dizaines d’années.
Les manifestations consacrées au rétro connaissent toujours plus de succès: plus de 200 participants à Saint-Cergue, pour la 6e Rétro-Moto Internationale. «Beaucoup d’anciens pilotes, mais aussi des collectionneurs passionnés», explique Eric Bezon, l’homme qui s’est juré de faire vivre, jusqu’à son dernier jour, le mythe des Motosacoche genevoises. Et ça tombe bien, parce que la Suisse, avec la Grande-Bretagne et les Pays-Bas, est le pays où se cachent quelques-unes des plus belles reliques d’un autre temps.
Pour la bonne cause
Organisé tous les deux ans, le rendez-vous de Saint-Cergue est l’œuvre d’un groupe de passionnés et son bénéfice sera remis, cette année, à l’association Porte-Bonheur, chère au designer vaudois André Marty. A quelques exceptions près, les pilotes ne sont pas payés. Un billet de train, le logement chez l’habitant, quelques souvenirs à déguster avec modération, «ils viennent et repartent comme à l’époque, quand ils passaient d’un circuit à l’autre avec femmes, chiens et enfants», rigole Eric Bezon. Dont le side-car Motosacoche est prêt pour l’événement: diantre, n’est-ce pas justement entre Trélex et Saint-Cergue, au printemps 1901, que la formidable histoire des frères Dufaux, fondateurs de la marque Motosacoche – un moteur auxiliaire qui se présentait sous forme de sacoche, et qu’on installait dans un cadre de bicyclette – a vraiment commencé? C’était il y a très exactement 110?ans.