Projet Dadvsi: le gouvernement marque des points à l'Assemblée
Juridique - Seconde semaine favorable pour le ministre de la Culture. Malgré une opposition remontée, ses dispositions sont toutes validées: sanctions en cas de contournement des DRM et contre les éditeurs de logiciels P2P, collège de médiateurs pour la copie privée...
Les protestations des députés de l'opposition, PS, Verts et PC réunis, et parfois même des parlementaires UDF et UMP n'y ont rien fait: l'Assemblée nationale a validé une à une les propositions du gouvernement en matière de copie privée, de mesures techniques de protection et de peer-to-peer.
Dernière en date: le régime de sanctions applicables en cas de contournement des mesures techniques de protection (MTP). Les amendements adoptés jeudi 16 mars dans l'après-midi, instaurent trois niveaux d'infractions.
- Le premier concerne le pourvoyeur de moyens de contournement, en clair l'éditeur de telles solutions. Il risque jusqu'à six mois d'emprisonnement et 30.000 euros d'amende.
- Le second vise la personne qui parvient seule à contourner la MTP, à des fins autres que la recherche: elle s'expose à 3.750 euros d'amende.
- Enfin, le dernier niveau cible le consommateur qui détient un logiciel de contournement: il est passible d'une contravention de 4e classe, d'un montant de 750 euros.
L'article adopté précise toutefois que ces dispositions ne s'appliquent pas «aux actes réalisés à des fins d'interopérabilité ou pour l'usage régulier des droits acquis sur l'oeuvre».
Les discussions doivent se poursuivre dans la soirée, notamment sur les questions des sanctions graduées, cette fois-ci à l'encontre des internautes pris en flagrant délit de télécharger illégalement sur les réseaux peer-to-peer.
Hier, le ministre de la Culture a marqué deux autres points importants, grâce au vote de sa majorité. Le premier concerne la création d'un collège de médiateurs, chargé de déterminer le nombre de copies qui peuvent être autorisées par les mesures techniques de protection (MTP, ou DRM) insérées sur les CD, sur les DVD ou encore sur les fichiers achetés sur des plates-formes légales.
Un texte «inféodé à certains intérêts financiers»?
Un des amendements adoptés par les députés ne détermine aucun nombre minimal de copies à autoriser. En clair, le collège des médiateurs pourra dire qu'une MTP, dans certains cas, peut empêcher complètement la copie. Et c'est le cas des DVD qui a amené le gouvernement à rédiger l'amendement en ce sens.
Christian Vanneste, rapporteur UMP du texte, a en effet justifié ce choix en se basant sur la jurisprudence de la Cour de cassation. Elle a récemment publié un arrêt, estimant qu'une copie d'un DVD peut nuire à l'exploitation normale de l'œuvre. «La spécificité du DVD devra être prise en compte pour ne pas bouleverser le fragile équilibre de la chronologie des médias et le financement du cinéma», a affirmé Christian Vanneste.
Les appels de l'UDF à inscrire clairement le droit à la copie dans la loi, et à en préciser le nombre n'ont pas été entendus, comme les réclamations des députés de l'opposition. «La création du collège des médiateurs porte gravement atteinte aux compétences du législateur», s'est insurgé Frédéric Duthoit, député communiste. «Il est irresponsable de confier à une juridiction d'exception le pouvoir de décider des conditions d'exercice du droit à la copie privée, et donc du droit d'usage des œuvres.»
«Dans la mesure où il existe une redevance pour copie privée sur les supports vierges, il ne saurait y avoir de mesures techniques de protection interdisant cette copie», a martelé de son côté Didier Mathus, pour le PS. «Le texte que nous examinons est-il donc à ce point inféodé à certains intérêts financiers?»
Sanction pour les éditeurs de logiciels P2P
Second point gagnant pour Renaud Donnedieu de Vabres: l'adoption sous une forme remodelée d'une disposition qui a déjà été baptisé l'amendement Vivendi Universal. Elle punit de trois ans d'emprisonnement et de 300.000 euros d'amende «le fait de mettre sciemment à la disposition du public (...) un logiciel manifestement destiné à la mise à disposition non autorisée d'œuvres ou d'objets protégés».
Cela vaut également pour toute personne qui «inciterait sciemment, y compris à travers une annonce publicitaire, à l'usage» de tels outils. Sont visés les logiciels peer-to-peer, même si la rédaction du texte assez floue laisse augurer beaucoup de batailles juridiques pour savoir si d'autres types de logiciels pourront être inclus dans cette définition.
Un amendement précise toutefois que ces dispositions ne s'appliquent pas «aux logiciels destinés au travail collaboratif, à la recherche ou à l'échange de fichiers non soumis à la rémunération du droit d'auteur».
Selon Christian Vanneste, ces mesures «évitent de ne sanctionner (...) que les internautes, en visant aussi ceux qui leur donnent les moyens de procéder aux téléchargements illicites, et qui en tirent parfois profit dans le cadre d'une exploitation commerciale».
Odebi et EUCD.info désabusés
Les parlementaires de l'opposition ne sont pas les seuls à dénoncer ces dispositions, plusieurs associations ont joint leur voix: «Le gouvernement et le rapporteur, une fois de plus, viennent de faire la parfaite démonstration de leur parfaite allégeance aux lobbys des industries de la culture», affirme dans un communiqué la Ligue Odebi. Selon elle, les dispositions sur le peer-to-peer place «nos entreprises travaillant sur les logiciels libres» dans l'«insécurité juridique».
De son côté, le collectif EUCD.info, qui milite justement pour la défense des logiciels libres, tient le même discours: il dénonce un projet «liberticide» et qualifie l'amendement sur le peer-to-peer de «texte surréaliste qu'aucune démocratie dans le monde n'a jamais adopté». Selon lui, les députés de la majorité, le ministre et le rapporteur «se sont entêtés à transformer la copie privée en copie contrôlée».
Les débats doivent en théorie se clorent jeudi soir, avant un vote solennel devant l'Assemblée nationale prévu pour mardi 21 mars.
zdnet.fr