MOTOCYCLISME
Thomas Lüthi: «Sur le tableau, c’était marqué + 0»
02. octobre 2011, 20h34
Jean-Claude Schertenleib | Le Matin
Au terme d’une course très disputée, Thomas Lüthi a retrouvé les joies du podium en arrivant troisième. Six mois presque jour pour jour après le dernier en date de ses exploits. «J’apprends. Chaque jour qui passe, j’apprends de nouvelles choses», confie-t-il. Interview.
Thomas Lüthi a dû batailler jusqu’au bout pour décrocher le podium, notamment avec Stefan Bradl (à dr.), qui termine juste derrière le Bernois. © Keystone
Thomas, vous connaissiez encore le goût du champagne?
Celui qu’on nous offre sur le podium? Plus vraiment. Cela fait longtemps, non?
Six mois, à un jour près. Franchement, vous y avez toujours cru?
Bien sûr. Je sais qu’après les essais hivernaux et mes deux très bons premiers GP les attentes sont devenues immenses. Mais je sais aussi que, souvent, cela s’est joué à très peu de chose.
Vous tenez ce discours depuis longtemps, il est donc certainement vrai. Mais de concrétiser, enfin, ça soulage?
On peut avoir des certitudes, on peut expliquer exactement pourquoi on a perdu une course, mais il est vrai qu’il était important, de nouveau, de le montrer par un résultat.
Cette troisième place?
Oui, pour les gens qui regardent la course, pour les fans. Mais il y a beaucoup plus important, c’est le niveau général que j’ai atteint ce week-end. J’étais devant à chaque séance d’essais, très régulier dans la performance, j’ai fini par me retrouver devant en course. Et ça, c’est la vraie bonne nouvelle.
Oui, mais vous n’avez jamais été en mesure de vous battre pour la victoire?
Parce que, une fois encore, j’ai connu quelques difficultés en début de course, avec le plein d’essence. Dès la mi-distance, ce fut parfait.
Comment, alors, font vos adversaires, puisque les deux premiers de la course – l’Italien Andrea Iannone et le désormais leader du championnat, l’Espagnol Marc Marquez – disposent de la même Suter que vous?
Non.
Pardon?
Suter a réussi le premier triplé de son histoire, mais je n’ai pas la même moto qu’eux. Marquez dispose depuis le GP d’Aragon d’un tout nouveau châssis, alors que Iannone a des pièces spéciales que je n’ai pas.
Et cela peut expliquer cette différence d’efficacité dans les premiers tours?
C’est un peu tôt pour le dire. Nous allons analyser toutes les données de la télémétrie, pour comprendre ce qui se passe à ce stade de la course. Car, une fois encore, après j’ai roulé au même niveau qu’eux.
Mais vous êtes un pilote officiellement soutenu par Suter. On vous délaisse?
Je ne l’espère pas. Normalement, je devrais pouvoir bénéficier du nouveau bras oscillant dans deux semaines, à Phillip Island, en Australie. J’attends.
Si on revenait à la course?
Ce fut une superbe bagarre, notamment avec Simone Corsi, qui n’a jamais été un tendre. Puis, dans les derniers tours, avec Stefan Bradl.
Que se passe-t-il dans la tête à quelques kilomètres de l’arrivée, quand on est ainsi attaqué de toutes parts?
Il n’y a pas beaucoup de tactiques possibles. Quand je suis entré dans le dernier tour, mes gars ont affiché + 0. Cela veut dire à la fois beaucoup et rien du tout.
Concrètement?
Baisser la tête, retarder chaque freinage, éviter l’erreur.
Quand êtes-vous sûr de l’avoir gagnée, cette place sur le podium?
Lorsque je passe la ligne d’arrivée, pas avant.
Dans quel état d’esprit allez-vous appréhender les trois dernières courses de la saison?
Le but, c’est bien sûr d’emporter dans nos bagages vers l’Australie, puis la Malaisie, le rythme général qui était le nôtre tout au long de ce week-end. Et nous allons continuer de travailler, d’effacer encore quelques-uns de ces petits riens qui ont tant de conséquences dans notre catégorie ( hier, les six premiers n’ont été séparés que par 4’’813, après 110,423 km, ndlr).
Effacer ces petits riens, cela veut aussi dire tester la moto en condition de début de course, avec les pleins?
Mais nous l’avons toujours fait. Non, ce qu’il faut comprendre, c’est ce que Marquez et Iannone ont de plus que nous et trouver les solutions idoines.
Ils sont beaucoup plus payés que vous, cela vous dérange?
J’estime être encore dans une phase d’investissement personnel. J’apprends. Chaque jour qui passe, j’apprends de nouvelles choses. Alors, l’argent n’est pas le plus important. Mais cela ne me dérange pas du tout que le grand public sache qu’en Suisse un sportif que l’on voit beaucoup et qui est, j’espère, apprécié a un salaire modeste. Pour capitaliser, j’ai encore quelques années devant moi.
MotoGP: au diable les si et les mais
La compétition sportive est un terrain idéal pour les excuses, les «oui, mais si…» et les «si je n’avais pas…» Mais, à la fin de la course, celui qui a gagné a toujours raison. Hier, en MotoGP, ce fut Dani Pedrosa. Les autres? Rossi est tombé dès le premier tour. Andrea Dovizioso a anticipé son départ, et Marco Simoncelli, qui était installé juste derrière lui sur la grille, en a fait de même, parce qu’il a commis une erreur de débutant en fixant son regard sur la moto de son compatriote, plutôt que de se concentrer sur le signal lumineux qui libère la troupe.
Casey Stoner? Il était en tête, mais, après une alerte sur une ligne droite – un violent «guidonage» (mouvement brusque du guidon) qui a eu pour effet d’écarter de quelques millimètres ses plaquettes de freins –, il n’a pas été en mesure d’assurer le virage suivant; après une longue promenade dans le bac à sable, il est reparti de loin, pour revenir jusqu’en troisième position. Jorge Lorenzo? Le champion du monde, impliqué dans la chute de Rossi du premier tour, n’avait pas les moyens techniques pour battre à la régulière une Honda officielle. Et cette Honda, la seule qui n’ait pas connu de soucis hier, était pilotée par Dani Pedrosa. Quand on vous disait que le vainqueur a toujours raison.
J.-C. S.