MOTOCYCLISME
Lüthi en MotoGP, un bleu sur une moto bleue
03. juillet 2011, 22h02
Jean-Claude Schertenleib | Le Matin
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Auteur d’une extraordinaire remontée en course, Thomas Lüthi devrait faire le saut en MotoGP avec Suzuki.
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Thomas Lüthi pilotera pour l’écurie Suzuki, qui, cette saison, aligne l’Espagnol Alvaro Bautistá. © Keystone
Le ciel était gris quand il ne virait pas franchement au noir. Les regards étaient tendus quand ils ne devenaient pas carrément figés. Figés vers des lendemains qui déchantent, comme si le passé prometteur – les essais hivernaux, le début de saison – n’avait jamais existé. Autour de Thomas Lüthi, l’heure était aux questions. L’heure était aussi à quelques déclarations de circonstance, comme celle-ci, lancée samedi soir par Daniel-M. Epp, son manager: «Nous conservons toute notre confiance en notre équipe.» Le genre de phrases sanctions qui, normalement, signifie que la séparation est proche. On en était là, dans cette Toscane d’habitude si joyeuse, mais devenue triste parce que l’orage grondait, que le ciel jouait avec les nerfs de tous. C’était samedi soir. Dimanche matin. La température lourde de la veille a diminué de quelques degrés. Le ciel est limpide. Le public, encore parsemé durant les deux journées d’essais, est maintenant en route. Calicots jaune et rouge au vent, numéro 46 collé à la poitrine. Et tant pis si Valentino Rossi ne s’élance que de la douzième place de la grille de départ en MotoGP, on est venu pour faire la fête, et on la fera. Dans le stand de Thomas Lüthi, l’heure n’est pas aux effusions de joie, mais bien aux travaux d’Hercule: vingt minutes à disposition – le warm-up d’avant course – pour transformer une moto capricieuse en une arme qui doit permettre à son chevalier d’avaler des concurrents en course. Si possible plus de quinze, histoire de limiter les dégâts. Le ciel est bleu, le cœur de Thomas Lüthi pas encore, même s’il sait depuis quelques heures que, l’an prochain, il sera bien un bleu (débutant) au guidon d’une moto bleue (une Suzuki) dans la nouvelle classe Moto1, catégorie reine de demain.
Mais, pour l’heure, Lüthi doit rester fidèle à un mot d’ordre bien appris et servi à chaque occasion: «Moi, je travaille pour ma prochaine course. Mon patron, lui, travaille pour 2012.» Douze heures et quelques minutes. Lüthi arrête sa Suter sur le côté de la huitième ligne de la grille de départ, loin, très loin de ceux qui vont se battre pour la victoire, Marc Marquez et Stefan Bradl. «C’était la course la plus importante de l’année, et Thomas y a été parfait», rigole son patron, qui sait que la performance de son pilote – revenu de la 24e à la 6e place, Lüthi a été intenable – tombe au meilleur des moments. Mais jamais il ne dira pourquoi, puisque les tractations qu’il mène actuellement sont encore totalement secrètes. Sauf pour les lecteurs du «Matin».
Moto1
Thomas Lüthi fera bel et bien le passage dans la catégorie reine – rebaptisée Moto1 – l’an prochain. Pour monter son projet, Daniel-M. Epp a contacté tous les constructeurs actuellement engagés – et même ceux qui pourraient y venir. Son premier rêve, c’était de convaincre Honda de mettre à disposition de son pilote une moto officielle, avec le statut qui est celui de Marco Simoncelli cette année; mais le numéro 1 mondial ne devrait pas équiper plus de quatre pilotes en 2012. Fin du rêve? Non, suite du travail de fourmis.
Intérêts communs
Daniel-M. Epp entre ainsi en contact avec Paul Denning, patron du team Suzuki, qui, faute de moyens financiers, n’aligne cette année qu’une seule moto (pour Alvaro Bautistá). Mais la troisième usine japonaise est prête à doubler la mise l’an prochain, à condition de compter sur des partenaires – donc sur un apport d’argent – extérieurs. C’est là que notre homme joue sa carte personnelle, avec la bénédiction des promoteurs du championnat du monde, qui veulent renforcer leur plateau.
L’officialisation
Les différentes parties se sont donné un mois pour finaliser leur accord. Si tout se passe normalement, et toujours selon nos informations exclusives, c’est à Brno, à la reprise du championnat après la courte pause estivale, que l’officialisation de cette nouvelle collaboration devrait être rendue publique.
Circuit de Mugello. 13 heures passées d’une quarantaine de minutes. Thomas Lüthi est un homme heureux: «Je me réjouis de cette sixième place autant que si j’étais monté sur le podium. Avec le réservoir plein, en début de course, je n’ai pas voulu répéter mon excès d’optimisme du GP du Portugal; mais ensuite, j’ai pu faire ce que je voulais de ma moto, j’ai pu me bagarrer, passer des adversaires, même si je ne savais pas toujours où je me trouvais dans la hiérarchie. Jusqu’à battre Simone Corsi pour la sixième place. Excellent.» Lüthi ne s’étendra pas plus, car il tient à ne rien perdre de la course qui va bientôt commencer: celle de la classe MotoGP. On raconte même qu’il a particulièrement suivi une moto bleue, portant le numéro 19, la seule Suzuki en piste. Cette année.