motocyclisme
Stoner, l’émotion du père
11. août 2011, 22h24
Jean-Claude Schertenleib | Le Matin
Le championnat du monde est sous tension. Incertitudes économiques, GP du Japon confirmé, le paddock est pour la première fois de son histoire directement touché pardes événements extérieurs. Et, dans ce climat morose, Casey Stoner a annoncé sa future paternité.
Casey Stoner et sa femme, Adriana, attendent un heureux événement © Keystone
A force d’y être, d’y vivre, on ne se rend plus compte que le paddock est une sorte de grande bulle, dans laquelle évoluent des hommes et des femmes de différentes cultures, animés d’une même passion. Le microcosme de la course vit en autarcie presque totale. Il faut montrer patte blanche pour y entrer, et les nouveaux venus, généralement, y sont accueillis par des regards circonspects. Jusqu’à ce qu’ils prouvent, ces intrus, qu’ils méritent une petite place. Sous cette bulle, il y a des règles, une hiérarchie, parfois même des bizutages. Mais il y a aussi, malheureusement, une propension contagieuse à ne plus voir ce qui se passe au-dehors, à se persuader que le seul monde qui existe est celui où l’on respire à coups de millièmes de seconde, où l’on parle de gestion électronique, de records, de souvenirs, de chutes, d’espoirs et de regrets.
Mais les événements qui se succèdent depuis quelques mois ont fini par entraver ces bonnes habitudes: tremblement de terre, tsunami, destruction et menace atomique au Japon, crise économique mondiale: plus personne ne peut ignorer la gravité d’une situation générale qui va, à court ou à moyen terme, obliger les décideurs de la compétition motocycliste à adapter leur produit à la nouvelle donne.
La problématique japonaise
Ainsi, la situation sanitaire au Japon. Le circuit de Motegi, qui devait accueillir le GP du Japon au printemps dernier, se situe à moins de 150?km du site empoisonné de Fukushima. Annulée en avril et refixée au 2 octobre prochain, l’épreuve nippone a été immédiatement menacée d’un boycott par quelques-uns des principaux pilotes. «Je n’irai pas à Motegi, quoi qu’on nous dise», clamait ainsi Casey Stoner, leader du championnat, il y a deux mois à Silverstone. Une position aussitôt adoptée par le champion en titre, Jorge Lorenzo.
Face à cette fronde, le pouvoir est resté de marbre, avant de confirmer il y a une semaine, en s’appuyant sur une étude indépendante menée par un bureau spécialisé, que le GP était maintenu. Hier soir à Brno donc, tout le monde attendait avec intérêt les réactions des meneurs, sachant que les salaires millionnaires des meilleurs pilotes du monde – on ne parle pas ici de Rossi et de Hayden, qui défendent les couleurs d’une marque italienne – sont payés par les plus grandes marques japonaises.
Virulence et bonne nouvelle
Casey Stoner, si virulent, a été le premier à répondre… par une très bonne nouvelle: «A Silverstone, je venais d’apprendre que mon épouse, Adriana, attendait un heureux événement. J’ai donc eu une réaction très émotive, je ne pouvais pas m’imaginer l’obliger, elle, mes parents et notre futur enfant, à prendre un tel risque. Ce soir, je ne dis pas que j’irai à Motegi, nous avons encore près de deux mois pour suivre l’évolution de la situation, mais je ne dis plus que je n’irai pas.»
Futur papa responsable? Casey Stoner a surtout dû mettre de l’eau dans son vin, le GP du Japon étant d’une importance primordiale pour son employeur, Honda. Jorge Lorenzo? «Je reviens à peine de vacances, on va en parler avec mon équipe.» Valentino Rossi? «On se réunit demain (aujourd’hui) avec la commission de sécurité, on verra.» Les autres? «Suzuki, mon employeur, me pousse pour que je fasse le déplacement, mais j’espère que nous tous, ensemble, parviendrons à nous mettre d’accord pour une position commune», concède Alvaro Bautistá.
Fin provisoire du feuilleton «GP du Japon». La suite? Après le GP de ce week-end, ce seront de nouveaux essais avec les premiers prototypes officiels 2012, le tout un œil fixé sur le cours des Bourses mondiales. Car la grande bulle du paddock, désormais, n’ignore plus ce qui se passe autour d’elle.
4 POINTS CRUCIAUX À GÉRER
1. LA CRISE ÉCONOMIQUE
La situation actuelle touche les finances du système, puisque les sponsors potentiels de la course doivent d’abord penser à leur propre survie. Et les menaces qui planent sur l’Espagne et l’Italie peuvent avoir des conséquences définitives sur un milieu composé à près de 80% de citoyens et de moyens provenant de ces deux pays menacés de banqueroute.
2. LES PRIORITÉS JAPONAISES
Fournisseur le plus traditionnel de la course motocycliste, le Japon commence à peine sa reconstruction après les catastrophes – tremblements de terre, puis tsunami, puis accidents nucléaires – du mois de mars dernier. Les priorités, là aussi, sont bien éloignées des soucis des pilotes et des équipes.
3. LA PANIQUE GÉNÉRALE
A trois mois de la fin du championnat 2011, on ne connaît toujours pas la réglementation exacte de la nouvelle classe MotoGP – retour à une cylindrée de 1000 cm3 –, une réglementation qui devrait permettre de renflouer la grille de départ de la catégorie. Las, un projet MotoGP est aujourd’hui invendable, faute de certitudes.
4. LA CONCURRENCE INTERNE
Parce que le pouvoir sportif (la FIM) a été trop laxiste il y a plusieurs années quand il a vendu les droits de ces principales compétitions, le Mondial superbike et le MotoGP se cannibalisent désormais fortement. Discipline sportive secondaire, le motocyclisme ne peut survivre ainsi.