Roland-Garros
Nadal: «C’est plus qu’un rêve»
Image © Keystone
Rafael Nadal s’est imposé en trois manches en 2 h 18. Le gaucher de Manacor n’a pas perdu un seul set durant toute la quinzaine parisienne
L’Espagnol a laminé Robin Söderling et remporté son cinquième titre à Roland-Garros. Il a du même coup ravi la place de No 1 mondial à Roger Federer
Gaëlle Cajeux, envoyée spéciale à Paris - le 06 juin 2010, 23h08
Le Matin
Il y a ce corps si athlétique recroquevillé sur une chaise, secoué de sanglots. La tête plongée dans sa serviette, Rafael Nadal tente d’éponger le bonheur qui l’envahit. Mais impossible de le contenir. L’Espagnol réalise qu’à tout juste 24 ans – il a soufflé ses bougies le 3 juin – il vient de remporter son cinquième Roland-Garros. Son septième titre en Grand Chelem. Le gaucher de Manacor, un peu paumé la saison passée (blessures, divorce de ses parents), vit «l’un des moments les plus émotionnels» de sa carrière. Il est redevenu roi sur sa terre. Celle ocre de la porte d’Auteuil dans laquelle il s’est roulé après la balle de match et qui lui dessine désormais deux ailes dans le dos.
Sans perdre un set
Car «Rafa» vole littéralement sur la brique pilée. Il n’a pas perdu un seul set au cours de cette quinzaine parisienne. Et ce succès en finale contre le Suédois Robin Söderling – qui avait éliminé Rafael Nadal en huitièmes de finale l’an dernier – porte au nombre hallucinant de vingt-deux les rencontres qu’il a jouées et gagnées cette année sur cette surface. Rafael Nadal a ainsi réussi un «Clay Slam» inédit en s’adjugeant les trois Masters 1000 (Monte-Carlo, Rome, Madrid) disputés avant son sacre aux Internationaux de France.
Il y a cette pirouette, sur une amortie au début de la seconde manche de son duel face à Söderling. Une figure de style, comme un symbole du talent, de l’incroyable aisance de ce joueur sur terre battue. Où il a glané vingt-neuf des quarante titres de sa carrière. «C’est plus qu’un rêve, confie-t-il. Quand je vois mes cinq victoires ici et toutes les autres, c’est incroyable! Je me demande d’ailleurs comment j’ai fait.» Sa victime du jour comprend bien, lui. «Rafa a un plan de jeu pratiquement unique. Mais il est remarquable. Il se déplace très bien et il ramène toutes les balles. Son jeu défensif est exemplaire et il peut passer à l’offensive très rapidement. C’est pourquoi il est si fort, Rafa», explique Robin Söderling.
Devant la reine Sophie
Sur le court central de Roland-Garros, juste après sa cinglante défaite (6-4 6-2 6-4 en 2 h 18), le Suédois, déjà finaliste malheureux l’an dernier contre Roger Federer, a félicité son bourreau. «Vraiment, bravo à toi. Cinq titres ici, c’est impressionnant. Et si tu continues comme ça, tu en gagneras bien d’autres.» La reine Sophie a dû penser la même chose en déposant une bise sur la joue du héros espagnol. Lui, toujours fair-play, a rétorqué: «J’ai joué mon meilleur match aujourd’hui, sinon je n’aurai jamais pu battre Robin.»
Le Majorquin fut en effet impressionnant. De concentration, de solidité défensive, de précision. Mais Robin Söderling lui a également facilité la tâche. Visiblement «bouffé» par la pression, le protégé de Magnus Norman, pourtant classé parmi les plus gros frappeurs du circuit, a joué «petits bras», semblant même les baisser dès la première manche. Il n’est pas parvenu à concrétiser une seule de ses huit balles de break. «Je n’ai pas joué aussi bien qu’en 2009, contre Federer. Je ne servais pas bien, mes frappes n’étaient pas limpides. C’était difficile. En fait, je ne suis tout simplement pas rentré dans le match», avoue-t-il.
Au sommet de la hiérarchie
Hier, le natif de Tibro n’avait plus rien à voir avec ce joueur invincible, effrayant de puissance, qui a chassé Roger Federer du tournoi. Eliminé au stade des quarts de finale, le Bâlois ne pouvait plus qu’espérer une défaite de Rafael Nadal en finale pour conserver sa place de No 1 mondial. Donc paradoxalement, après l’avoir évincé, Robin Söderling devenait son précieux allié. Oui mais Robin a tremblé. Et Roger est tombé. C’est Rafael Nadal qui peut, dès aujourd’hui, trôner fièrement au sommet de la hiérarchie mondiale.
Rafael Nadal: «J’étais beaucoup plus nerveux que d’habitude»
Rafael Nadal, pourquoi ce titre a-t-il une saveur si particulière pour vous?
C’est l’une des victoires les plus importantes de ma carrière, car l’année dernière, après Roland-Garros, les choses ont été très difficiles pour moi. Cela n’a pas été évident d’accepter les blessures et tout ce qui s’en est suivi. Evidemment, j’ai connu des moments de doute, je ne suis pas une exception. Mais j’ai énormément travaillé pour revenir. Tout au long du tournoi, j’étais beaucoup plus nerveux que d’habitude, parce que je voulais à tout prix remporter ce titre une nouvelle fois. A la fin du match, j’ai pleuré à chaudes larmes, c’était la pression qui retombait. C’est vraiment une satisfaction personnelle de m’être battu et d’avoir retrouvé mon meilleur niveau.
Et de devenir No 1 mondial?
Je l’ai déjà été. Et je le répète, pour moi, l’important c’est ce trophée (il touche la coupe des mousquetaires), le fait d’avoir réussi à gagner Roland-Garros. Etre No 1 est la dernière chose qui m’importe.
Vous faites partie des grands de l’histoire du tennis. Vous considérez-vous comme tel?
Je n’aime pas ce genre de questions parce qu’après, on va dire que je suis arrogant, que j’ai la grosse tête. Si les chiffres disent que j’ai été bon ces dernières années, tant mieux. Je vais continuer à essayer de jouer mon meilleur tennis. Je pense avoir énormément de chance d’avoir vécu tout ce que j’ai vécu à 24 ans. Jamais, dans mes rêves les plus fous, je n’aurais imaginé vivre tout ce que la vie m’a donné. Alors je peux juste la remercier.
Comment allez-vous fêter votre victoire?
Ce sera difficile de faire la fête parce que je recommence l’entraînement demain (aujourd’hui, ndlr). Mais j’aurais le temps après Wimbledon. A Majorque, on fera sûrement une fiesta incroyable.
Vous vous sentez d’attaque pour entamer la saison sur gazon?
Ce qui est important, c’est la confiance. J’ai remporté 22 matches sur terre battue, alors je pense que c’est une très bonne préparation pour le gazon. Je vais jouer le Queen’s, ensuite je passerai quelques jours à la maison et puis ce sera Wimbledon. Je vais essayer de faire de mon mieux pour peaufiner mes réglages sur herbe le plus rapidement possible.