Cyclisme
Cancellara, gentleman et patron
Image © Keystone
Le Bernois (au milieu en jaune) est à l'origine d'un boycott du sprint du peloton pour la deuxième place de la 2e étape du Tour de France.
Epargné par les violentes chutes dans une étape gagnée par Sylvain Chavanel, le Bernois a accepté de perdre son maillot jaune en levant le pied et en ne sprintant pas.
Laurent Guyot - le 05 juillet 2010, 23h30
Le Matin
Tour de France
«Ce choix m'apporte bien plus que de porter le maillot jaune sur les pavés.» Fabian Cancellara ne regrette rien. Son rêve d'arriver en jaune devant les portes de l'Enfer du Nord, aujourd'hui, ne se réalisera pas. La faute à des circonstances de course exceptionnelles. Et au grand numéro effectué depuis le 11e kilomètre par Sylvain Chavanel.
Dernier rescapé de l'échappée matinale le Français, victime d'une fracture de la base du crâne, le 25 avril dans le final de Liège-Bastogne-Liège, est parvenu à gagner l'étape et à endosser la précieuse tunique. En effet, la descente du col de Stockeu, transformée en patinoire par des traces d'huile, a décimé les rangs des favoris. Les frères Schleck sont touchés dans leur chair. Lance Armstrong a évoqué sa peur et parlé de visions «irréelles, effrayantes». Steve Morabito, épargné au même titre que Fabian Cancellara, s'est dit, lui-même impressionné. «Il y avait des coureurs partout, dans le caniveau, dans les fossés et sur la route. Ils étaient au moins une cinquantaine. J'ai trouvé fair-play la décision prise de neutraliser la fin de la course et le sprint.» Le Bernois a donc levé le pied durant la course. Puis il a conduit le boycott du peloton pour le sprint collectif.
A l'origine de cette action inhabituelle, Fabian Cancellara assume. Même si certains, à commencer par d'anciens coureurs, critiquent encore celui qui a déjà subi les remarques pour la prétendue utilisation d'un vélo électrique.
Sprint neutralisé
«Dans la vie, on ne peut pas toujours gagner, constate le Bernois. Je ne suis pas tombé. Et j'ai passé entre les gouttes pour me retrouver seul au bas de la descente. Alors pour moi il existe une règle d'attendre les gars à terre. Compte tenu de ces circonstances exceptionnelles, nous avons décidé de ne pas sprinter lors de l'arrivée pour ne pas encore assister à d'autres chutes. Les gars étaient tous d'accord sauf celui qui a passé sur la droite soit Maxime Bouet.» Ce qui n'empêchera pas, aujourd'hui, le Bernois à l'esprit chevaleresque de se pointer en première ligne sur les pavés. «Je vais penser à tous les moments magiques connus sur Paris-Roubaix. Et si ça le fait, alors je serai le plus heureux du monde.»
Interview
«Je ne comprends pas»
Sylvain Chavanel, comment appréciez-vous la décision des favoris de se neutraliser sur la fin de l'étape?
Il y a des choses que je ne comprends pas. Personnellement, je ne vais pas me plaindre puisque je suis avantagé. Mais à ce petit jeu, nous pouvons imaginer de faire ça à chaque étape.
Pensez-vous garder le maillot jaune longtemps?
Je ne vais pas le brader. J'ai la chance de le porter et je compte bien me défoncer pour le défendre y compris sur les pavés menant à Arenberg.
Gagner et endosser un maillot de leader un peu plus de deux mois après la terrible chute survenue dans le final de Liège-Bastogne-Liège tient-il du miracle?
J'ai galéré pour revenir à ce niveau. Je me suis fait violence sur mon home-trainer en regardant le Giro puis sur les routes du Tour de Suisse. Et j'ai récolté les fruits de mon travail.
Que ressentez-vous après cette victoire?
Que du bonheur, vraiment que du bonheur. Dans mon sport, ma passion soit le cyclisme, je vis le plus beau jour de ma vie. Parce que je mets tout de même devant, dans ma vie privée, la naissance de mes enfants.