Equateur
Une équipe de football lesbienne exclue obtient réparation en justice
Image © DR-a
L'homosexualité masculine ou féminine est un sujet tabou dans les milieux du football.
Le baiser de deux joueuses de l’équipe de football lesbienne du quartier de La Floresta, à Quito, était de trop. Expulsée du championnat local, l’équipe stigmatisée a cependant décidé de saisir la justice et vient juste d’obtenir gain de cause.
le 17 septembre 2010, 07h12
LeMatin.ch & les agences
La scène, est intervenue en juillet 2009 dans ce quartier ouvrier du nord-est de Quito. A l’issue d’un match, les joueuses du Club Guipuzcoa, fondé en 2005 et en grande partie composé de lesbiennes, étaient montées dans les tribunes pour assister à la rencontre suivante.
Une fan d’une autre équipe avait alors filmé les membres du club qui, par défi s’étaient embrassées devant la caméra, a raconté Karen Barba, la capitaine de cette équipe amateur. Le baiser volé avait déclenché la colère de spectateurs qui les avaient forcées à quitter les lieux.
"Elles en avaient assez (
d’être stigmatisées, ndlr) et ont décidé de faire parler d’elles. C’était le baiser du repos face à tant d’agressions", explique Karen Barba, une étudiante en droit de 26 ans, engagée dans la défense des droits des lesbiennes. Les organisateurs du championnat de la La Floresta n’ont pas apprécié.
Le 22 juillet 2009 ils ont convoqué une assemblée générale qui a décidé d’expulser le club pour un an, une sanction visant l’acte "obscène" de l’équipe, un "attentat contre la moralité et les bonnes moeurs".
Le club Guipuzcoa, qui au départ s’appelait "Saltamontes de Venus"
(Sauterelles de Venus, ndlr) et a changé de nom pour respecter une règle imposant l’usage de noms de rues du quartier, avait déjà été proche de l’expulsion en 2007.
Ses joueuses avaient alors été accusées d’avoir des relations sexuelles dans les vestiaires. "L’un des organisateurs était alors entré dans les vestiaires pour prendre des photos (...) selon lui pour avoir les preuves de nos gestes immoraux", assure Karen Barba.
Après son expulsion en 2009, le club a saisi la justice et le "défenseur du peuple
(institution chargée du respect des droits de l’Homme, ndlr), obtenant des décisions favorables à sa réintégration.
La justice a aussi tranché en faveur de l’équipe. Mais les organisateurs ont ignoré la décision et saisi un juge des référés pour bloquer la mise en oeuvre de l’arrêt, appel qui a également été rejeté.
Dans un arrêt rendu le 9 septembre le juge concerné a estimé que la ligue de la Floresta avait porté atteinte "au droit au sport" et aux articles de la Constitution qui interdisent la discrimination à l’égard des femmes et des lesbiennes. Mais la ligue continue à résister.
Felix Zambrano, son avocat, affirme que les joueuses n’ont pas été expulsées en raison de leur orientation sexuelle, mais des actes obscènes commis, comme "s’embrasser et caresser des parties intimes de leur anatomie en public".
"Plusieurs patrons de clubs confirment qu’entre leurs joueuses il y a des lesbiennes mais ces demoiselles n’affichent pas leur affection en public ou de manière exagérée", a-t-il dit.
Karen Barba, elle, s’est félicité de la décision judiciaire, mais a précisé qu’elle demandera à ce qu’elle soit enrichie de mesures interdisant le harcèlement dont son équipe serait aussi victime. "Lorsque nous gagnons, on nous accuse d’avoir touché" les joueuses adverses, assure-t-elle.
L’incident a surtout mis en lumière les tabous qui affligent encore la société équatorienne, profondément catholique, pour ce qui touche à l’homosexualité, dépénalisée en 1998.
"Il y a un décalage entre le rythme socio-culturel
(de la société, ndlr) et le cadre légal. La jurisprudence existe, il faut maintenant travailler pour construire un nouvel imaginaire" collectif, explique l’anthropologue Maria Virgina Herdoiza.
Je me marre.....