MASTERS
Les maîtres du monde
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Image © Keystone
Roger Federer (à droite) défiera Rafael Nadal au Dôme du millénaire pour la conquête d'un cinquième Masters.
La finale du Masters opposera Federer à Nadal (18h30). A nouveau éblouissant, le Bâlois est en course pour remporter son cinquième trophée.
Christian Despont - le 27 novembre 2010, 23h31
Le Matin Dimanche
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Quand une surface permet à tous les talents de s'exprimer, à la fin, elle favorise cyniquement ceux qui en possèdent le plus. Dans cette pure logique génétique, Roger Federer et Rafael Nadal seront opposés en finale, ce soir, à l'enseigne du tournoi des grands maîtres, dont ils restent les indéboulonnables caciques: le Bâlois a battu Novak Djokovic 6-1 6-4, tandis que son rival a bravement repoussé Andy Murray 7-6 (5) 3-6 7-6 (6).
En une semaine, Roger Federer aura atteint une perfection stylistique que des usures avaient un peu contrariée, avec une quiétude presque mystique. Il y avait une certaine virtuosité, à nouveau, dans cette façon de jouer sur plusieurs registres, à l'instinct, avec des tempos et des variations différents. Du lift au slice, du long au court, de gauche à droite, le maître a fait valser un bon Djokovic, auquel il n'a concédé qu'un break au début du deuxième set.
Combativité de Nadal
Une telle aisance paraîtrait choquante si elle ne venait de Lui, si elle ne venait d'ailleurs. Tour à tour, elle a réduit Andy Murray, Robin Söderling, et Novak Djokovic à quelques aptitudes mal dégrossies, en à peine plus de quatre heures. Mais cette même aisance, ce soir, sera soumise à d'autres velléités séditieuses. Elle retrouvera le seul contre-pouvoir qui l'ait jamais neutralisée: la combativité de Rafael Nadal.
Il ne reste plus beaucoup d'énergie à l'Espagnol pour enlever cette finale, mais seule une jambe cassée le dissuadera d'en courir le risque. Sa qualification, à elle seule, témoigne d'une faculté d'adaptation extraordinaire, dont personne n'a encore cerné les limites. «Ce joueur ne cesse d'élargir son champ d'action, il ne recule devant aucun préjugé», observe Boris Becker.
Rafael Nadal a toujours suscité un certain étonnement. Ce fut une petite surprise de le voir remporter Roland-Garros à 18 ans, une petite surprise de le découvrir en finale de Wimbledon, une petite surprise de le savoir compatible avec l'US Open, ce serait une petite surprise, encore, qu'il gagne le Masters, «parce que, dit-il lui-même, je ne suis pas très fort en indoor». Mais quand une surprise devient à ce point banale, la langue française oblige à reconnaître qu'elle n'en est plus une.
Pires conditions
«C'est vrai, je répète chaque jour que les conditions ici sont les pires pour moi, sourit le numéro un mondial. Pourtant, je dis la vérité. Mais je joue bien. Je crois même que je n'ai jamais aussi bien joué sur cette surface; un peu à ma surprise...»
Sur un revêtement qui absorbe le rebond et désamorce son lift, Rafael Nadal a su imposer d'autres qualités, tout aussi caractéristiques: la patience, la cadence, la résilience. Trois heures onze d'une empoigne superbe, hier, l'ont emmené au bout de ses forces et, parfois, au bord de la capitulation (cinq jeux perdus consécutivement au deuxième set) sans éveiller le moindre état d'âme.
Sa véhémence exerce sur ses semblables une fascination étrange, invariablement: aux portes de l'exploit, Andy Murray a hésité à appuyer sur la sonnette, et a fini par manquer son rendez-vous avec l'histoire. «J'ai peut-être perdu deux ou trois points au mauvais moment», relève l'Ecossais. «Il a commis deux erreurs à un moment où j'étais très fatigué», confirme l'écho. «Ce fut un duel superbe», disent-ils d'une même voix.
Pour la première fois, Rafael Nadal a poussé sa logique évolutive jusqu'en finale d'un Masters et, aujourd'hui encore, personne ne saurait dire jusqu'où il ira comme ça, le regard droit devant et ses certitudes en bandoulière.