TENNIS
Balayé d’un revers de la main
Image © Keystone
Roger Federer s’est notamment montré défaillant sur son revers, mais il est aussi tombé sur un grand Novak Djokovic.
Trahi par son revers, Roger Federer en essuie un autre, cinglant, contre Novak Djokovic. Il n’a plus de grands titres à défendre.
Christian Despont - le 27 janvier 2011, 21h34
Le Matin
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Open d’Australie Melbourne
Inévitablement, cette défaite galvanisera les antéchrists et relancera le débat sur l’embourgeoisement postnatal de Roger Federer, accouplé au processus irréversible du vieillissement. «Nous assistons à une passation de pouvoir», s’est écrié un commentateur d’ESPN, dans la même félicité insurrectionnelle qu’en 2008, lorsque la finale avait opposé Novak Djokovic à Jo-Wilfried Tsonga. Tout le monde connaît la suite…
Le problème, hier, ne fut pas l’âge. Ou pas tellement. Roger Federer n’a pas eu l’air d’un vieux maître décati, mais il fut concurrencé en aptitudes, voire dominé en intensité émotionnelle, par un rival au toupet monstre. La rencontre, en équilibre précaire pendant près de trois heures, aurait pu basculer en sa faveur, et même à plusieurs occasions. Mais Roger Federer a accusé le coup, un mauvais coup, un surtout: le revers.
28 fautes en revers
Si les statistiques sont très souvent réductrices, elles sont aussi grossissantes: hier, elles indiquaient 28 fautes directes en revers, pour un total de 44. «Il faut relativiser, soupire Roger Federer. Dans un long échange, à la fin, il y a fatalement une faute directe. Cela dit, je n’ai pas réussi à varier suffisamment mes revers frappés et coupés, comme il l’aurait fallu pour casser le rythme ou contrarier le jeu long de Novak.»
Roger Federer a encore mené 5-2 au deuxième set, avant de perdre cette même manche 7-5! «Il ne sait plus tuer», s’est étranglé un confrère, mi-désespéré mi-vindicatif. «Nous changeons d’ère», a poursuivi la cantonade, tandis que le fantôme de Rafael Nadal rôdait encore dans les estrades, et que les cormorans perchés sur le toit tournaient le dos à la compétition.
Roger Federer, de toute évidence, a subi plus souvent qu’à son tour. Il a accusé une certaine passivité, incapable de s’extirper d’une filière longue où il se regardait un peu jouer, dans l’impossibilité de varier, décider, volleyer. En cela, sans que ce soit beaucoup plus rassurant, le Bâlois fut simplement battu à la régulière, sur un court où il n’était pas vraiment le patron. Battu par un adversaire meilleur, plus incisif sur les points importants, malgré un service fébrile, et plus constant dans son emprise territoriale.
Plus le même Djoko
«La tactique consistait à bâtir patiemment chaque point, puis à agresser Roger sur son revers, explique Novak Djokovic. J’ai beaucoup appris de nos nombreux duels (ndlr: 13-7 en faveur de Federer). Depuis mon sacre ici, il y a trois ans, j’ai acquis de l’expérience. Je ne suis plus le même homme. Je suis devenu costaud et athlétique, plus complet aussi.» Et d’ajouter: «Le fait de jouer en nocturne a parfaitement servi mes intérêts. J’ai trouvé les conditions un peu lentes et j’ai pu d’autant mieux poser mon jeu.»
Le Serbe, pourtant enclin à la bravade, refuse de sonner la passation de pouvoir. Reste que dans la foulée de son triomphe en Coupe Davis, et de trois jours sans dessoûler, il est devenu le héros d’un peuple, le leader d’une fronde. Il n’est plus le même homme, à l’évidence, et estime secrètement, logiquement, que son moment est venu. Voilà quatre ans qu’il l’attend.
Reste aussi que pour la première fois depuis 2003, Roger Federer n’a plus de titre à défendre en Grand Chelem. Ce n’est pas la fin du monde, non. Mais c’est peut-être le commencement d’un autre.
INTERVIEW
Roger Federer No 2 mondial
«Je n’ai aucun regret»
A l’antenne, Todd Woodbridge a déclaré que le tennis vivait une passation de pouvoir. Partagez-vous cet avis?
Un mec lâche cette phrase et tout le monde saute dessus. Je ne comprends pas. Pour moi, c’est incroyable, je suis désolé. Rafa reviendra et moi, que je sache, je suis encore là. Nous reparlerons de tout ça dans six mois.
Vous n’avez disputé aucune des quatre dernières finales de Grand Chelem.
Je n’ai pas une vision aussi extrême de ma carrière. Globalement, j’ai quand même réussi un excellent deuxième semestre, et les perspectives sont encourageantes. Je ne suis pas inquiet. A vrai dire, je suis plutôt positif.
Que retenez-vous de ce tournoi?
Avec du recul, si je pouvais apporter une seule modification, je ne jouerais pas en nocturne contre Gilles Simon. A la nuit tombée, les conditions deviennent lentes et perfides. Les balles rebondissent peu, chaque point suit le même schéma. Mais bien sûr, j’ai eu du succès dans toutes les conditions, nuit et jour, vent et pluie. Il faut s’adapter.
Ces conditions vous ont-elles prétérité, ce soir, contre Djokovic?
Je n’étais pas avantagé, c’est certain. Mais je dois reconnaître que Novak a mieux joué, notamment sur les points décisifs. Il bouge bien, son revers et son coup droit sont très explosifs. Nous avons maintenu une très haute intensité pendant trois heures, avec beaucoup d’agressivité. Je suis déçu, bien sûr, mais je n’ai rien à regretter. Il était meilleur que moi.
Avez-vous souffert qu’il pilonne votre revers?
Honnêtement, je ne le pense pas. Je suis tombé contre plus fort que moi.
Comment envisagez-vous la suite de l’année?
Je me sens très bien. Je suis très optimiste. Mon jeu est bon et j’ai hâte de disputer les quinze prochains tournois. J’ai réussi mon Open d’Australie. Je n’ai aucun regret. Ce n’est pas la fin.
Federer
7-6 (7/3) 7-5 6-4 en 3 h
Djokovic
111
5
0
60
71
48
3/10
17/26
44
Points gagnés
Aces
Doubles fautes
Premiers services (%)
Points sur le premier service (%)
Points sur le deuxième service (%)
Balles de break converties
Points gagnés au filet
Fautes directes
119
6
5
69
73
41
5/14
16/26
35