L’INTERVIEW
Laurent Roussey: «Si tout avait été parfait, je ne serais pas là»
Image © Laurent Crottet
Roussey s’est vu confier idéalement un double objectif: décrocher l’Europe et ramener la Coupe en Valais. Voilà pour la théorie.
Nouvel entraîneur du FC Sion, Laurent Roussey explique en quoi il n’est plus le même. Dix ans après un premier passage en Valais, il détaille la force du mental.
Nicolas Jacquier - le 25 février 2011, 20h51
Le Matin
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Franchement, à considérer la politique de l’emploi de son président, ne faut-il pas être un peu fou ou maso pour accepter d’entraîner le FC Sion?
Ni l’un ni l’autre! Je préfère me battre pour l’Europe avec Sion que contre la relégation dans un autre club. Je peux comprendre la politique de Constantin, qui est l’unique bailleur de fonds du club. Contrairement aux grandes écuries européennes, il ne peut pas se permettre d’avoir des chiffres rouges. Or l’absence de dettes passe par des résultats. Mon rôle est de les obtenir, avec une envie d’amener quelque chose sur le plan offensif, sans dire que l’on va y arriver.
Croyez-vous aux vertus du fameux choc psychologique?
Dans le cas présent, ce n’est pas vraiment ce qui était recherché. Le club n’était pas à la dérive sportivement. Il fallait juste apporter un déclic, d’autres réglages peut-être, un œil neuf. Si choc il doit y avoir, c’est au niveau des ambitions.
Vous n’avez pas honte de venir piquer la place d’un collègue?
Je ne vais pas commencer à vous dire qu’il existe une énorme solidarité, ce serait faux cul de ma part. Si je suis ici, c’est parce que je n’avais pas de club. Par contre, je peux ressentir l’amertume que mon prédécesseur doit ruminer et me mettre à sa place. Bernard était manifestement aimé. Mais, si les gars qui l’appréciaient avaient fait les points qu’il fallait, si tout avait été parfait, je ne serais pas là aujourd’hui. C’est la preuve que tout ce qu’il fallait réaliser n’a pas été correctement fait. Les progrès que l’on doit faire passent par une prise de conscience. Quand on met le doigt sur ce qui cloche, qu’on montre aux joueurs leurs erreurs, on ne peut pas toujours se défiler.
Dix ans après votre premier passage en Valais, qui de Sion ou de son nouvel entraîneur a le plus changé?
Tout a changé, de part et d’autre. J’ai mûri, grandi et évolué, tandis que le club s’est développé en se structurant de manière plus professionnelle… Je suis riche des expériences que j’ai pu vivre, notamment lors de mes cinq ans passés avec Claude Puel à Lille. Il n’y a que Tourbillon qui n’a pas changé! (Rires.)
Quels souvenirs conservez-vous de vos débuts sous l’ère Kadji?
Je n’oublierai jamais mon premier match, puisque Sion, que tout le monde condamnait déjà, l’avait emporté 8-1 contre Bâle, le champion sortant. Un tel score pour une première, ça marque forcément les esprits. Je ne serai pas aussi gourmand tout à l’heure contre GC.
Justement, ces fameux buts que Sion peine tant à inscrire, qui va les marquer? Quand même pas vous?
C’est vrai que c’est notre problème, je l’ai senti dès le premier entraînement. On doit en finir avec cette non-responsabilité de vouloir marquer des buts. Chacun doit s’investir plus, être plus tueur dans la surface. Cela suppose une cohérence dans ce que l’on tente. Regardez Mrdja… Il ne peut pas être international serbe et traité de moins que rien quand il enfile le maillot du FC Sion. Il faut réunir beaucoup de paramètres pour être efficace. Je peux avoir un rôle à jouer. Ce que je sais déjà, c’est que la solution ne pourra être que collective. Ce n’est pas une somme d’individualités qui va nous permettre de devenir meilleurs collectivement. Le but, c’est que chacun trouve à s’exprimer dans le collectif.
Pourquoi est-ce si difficile de marquer des buts?
Parce que c’est plus facile de défendre une cage de 7,32 m et que les équipes ont fait des progrès tactiques dès lors qu’il s’agit de ne pas attaquer! Sans doute les joueurs, sortant du même moule, sont-ils aussi tous formatés. Tous appartiennent au même cadre. Il en découle des lacunes, surtout techniques.
L’ancien Petit Prince que vous êtes réussirait-il à s’exprimer dans le football moderne?
Oh, à Barcelone et à Arsenal, très certainement.
Et à Sion?
Dans quelques matches peut-être! Vous savez, même si mes ennuis de santé m’ont obligé d’arrêter, je suis resté joueur dans l’âme. Je dis d’ailleurs souvent à mes joueurs: «Je suis la tête, vous êtes mes jambes.»
Après votre mise à pied de Saint-Etienne, vous étiez devenu consultant de Canal+ avant d’être interdit d’antenne. Que s’est-il passé pour que l’on vous coupe le micro?
On m’a reproché d’avoir donné une interview à L’Equipe TV, alors que les gens de Canal voulaient conserver l’exclusivité. Apparemment, cela a mal passé. On a coutume de dire que les choses sont compliquées. Là, elles étaient très simples.
Cette semaine, vous êtes doublement gagnant. Non seulement vous avez retrouvé un banc mais la Cour d’appel de Lyon vient de vous octroyer 1,65 million d’euros d’indemnités (environ 2,1 millions de francs) dans le litige vous opposant aux dirigeants des Verts suite à votre limogeage…
La somme peut paraître importante certes, mais je ne fais que récupérer ce que le club me devait. Ça ne fait que réparer une injustice. A Saint-Etienne, j’entraînais avec un salaire d’adjoint, j’étais le plus petit salaire des coaches de L1. Je travaillais aux primes.
Vous avez déclaré un jour que vous n’aviez aucun ami dans ce milieu. Est-ce vraiment le cas?
Non, puisque j’en ai quelques-uns, comme Lucien Favre par exemple. Ça fait plus de 25 ans que l’on s’appelle, que l’on s’apprécie, que l’on se voit. Cela date de Toulouse. Il était 10, j’étais 9. Notre amitié ne se limite pas aux dimensions d’un rectangle vert.
Quel est l’impact du mental dans la sublimation de ce qu’un sportif peut donner?
C’est un aspect capital, d’autant plus quand tout le monde se ressemble et s’annule. Le mental, c’est mon dada. C’est un supplément d’âme qui permet de grandir. Installés dans une zone de confort, les joueurs doivent prendre conscience de la chance qu’ils ont. Ce sont des privilégiés, mais tous ne s’en rendent pas assez compte. Ce que l’on a ne doit jamais être considéré comme acquis. C’est souvent quand on ne l’a plus, quand la carrière s’arrête qu’on sait ce qui nous manque. Cela dit, même si ses membres affichent un mental d’acier, une équipe ne va pas devenir bonne et se métamorphoser si elle aligne onze bourrins. Il faut un minimum de créativité.
A quoi penserez-vous sur le coup de 17 h 45, en allant prendre place sur le banc du FC Sion?
Le match, c’est une réponse. J’espère que l’on aura trouvé la meilleure solution à nos problèmes. Il n’y a que dans la victoire que l’on peut construire.
C'est le 30ème entraîneur depuis 2003Je ne rêve pas.
Bonne chance Roussey..............