Nicky Hayden nous a quittés ce 22 Mai à l’âge de 35 ans. Lui qui a passé sa vie à 300 km/h sur des motos toutes plus puissantes les unes que les autres a vu sa vie s’arrêter à un croisement de deux routes alors qu’il circulait à vélo. Les hommages succincts se succèdent, comme les articles qui reprennent une dépêche d’une agence de presse, rappelant qu’il a été champion du Monde en 2006, le premier à battre Valentino Rossi en MotoGP. Mais ceux qui suivent les courses depuis de nombreuses années se souviendront surtout de l’homme. Un homme qui restera dans l’Histoire des GP.
Nicky Hayden, ce sera pour toujours ce petit sourire espiègle, toujours joyeux quel que soit les circonstances. La plupart l’ont découvert en 2003 quand il est arrivé en MotoGP. A l’époque, difficile de connaitre les pilotes qui venaient d’outre Atlantique. Internet n’était pas aussi développé, les réseaux sociaux n’existaient pas. On savait seulement qu’il venait de remporter le titre de Champion Superbike des Etats-Unis, gage de qualité, là où des pilotes mythiques comme Kenny Roberts avaient brillé dans le passé. Mais tout de même, arriver directement dans la meilleure équipe du plateau en coéquipier du déjà légendaire Valentino Rossi, c’était un sacré pari pris par Honda et le service compétition de la marque. Il serait rapidement jugé si les résultats ne suivaient pas. On découvrit rapidement la tignasse de celui qui se faisait appeler The Kentucky Kid. Owensboro et le Kentucky étaient connus pour avoir vu Johnny Depp naitre sur ses terres. A part ça, pas grand-chose. Mais rapidement, le surnom donné par les américains et le nom d’Owensboro allait être connu dans le monde des courses de moto.
Elevé sur les circuits de terre autour de la ferme familiale, Nicky, comme ses frères Roger et Tommy, ou ses sœurs, ont vite goûté aux moteurs. Que ce soit le papa Earl ou la maman Rose, toute la famille a tâté les pistes sablonneuses des Etats Unis pour être reconnue dans le MidWest américain. Earl Hayden qui était tombé amoureux de Rose, car elle était rapide en piste et qu’il voulait avoir des enfants rapides sur des motos. Le Championnat AMA de Dirt Track était le jardin des garçons Hayden. Chose inédite jusqu’alors, une course du championnat se termina avec les trois frères sur le podium.
Voici quelques anecdotes sur la famille Hayden que l’on entendit rapidement dans le paddock des MotoGP. Tout comme quand on lui demandait pourquoi le numéro 69. Car il était plus facile pour le papa de reconnaitre son fils quand la moto était au sol. Qu’importe comment était la moto, on reconnaissait le numéro quel que soit le sens.
Le plus jeune de la fratrie était celui qui semblait le meilleur en piste. Remporter le titre de champion Superbike à 21 ans lui donnait un record de précocité pour cette catégorie. Rappelons-nous qu’au début des années 2000, ce n’était pas habituel de voir des teenagers dompter des motos de 1000cc.
Sa première course en MotoGP restera malheureusement dans les mémoires avec le grave accident de Daijiro Kato qui sera fatal au japonais quelques semaines plus tard. Tout le monde le sait, la course moto peut être dramatique.
Rapidement le style Hayden fit fureur et les fans ne se trompèrent pas en aimant l’américain. Il ne faut pas le cacher, son sourire ultra bright et sa belle gueule en faisait une proie facile pour les groupies. Et pourtant, tout le monde tomba rapidement sous son charme. Peut-être car le pilote était proche du public, humain et polis avec les personnes l’entourant. Mais aussi avec ces glisses en sortie de virage, ce qu’on voyait de moins en moins avec l’électronique des MotoGP. Quand on lui demanda plus tard comment réussir à devenir champion du Monde, il ne répéta pas les sempiternelles « c’est grâce au travail ». Pour Nicky, il faut avoir bien entendu un peu de talent, mais surtout avoir la bonne équipe au bon moment, la bonne moto et les bons ingénieurs, un pilote ne pouvant pas remporter un titre tout seul. Son arrivée était un saut dans le grand monde, lui qui quittait pour la première fois son pays et sa famille pour découvrir l’Europe et sa mentalité différente. Mais dès sa première saison, il mit rapidement tout le monde d’accord en remportant le titre de Rookie of the Year devant des pilotes comme Colin Edwards ou Troy Bayliss des références en World Superbike. Même si personne n’était dupe et savait bien que sa Honda RCV était un très gros avantage par rapport au reste du plateau.
Nicky Hayden n’a jamais été le plus talentueux des pilotes. Et pourtant, tout le monde ne pouvait que l’aimer. Toujours ce sourire dès le casque posé. Et surtout un gros bosseur. Tout au long de sa carrière, dès que les essais privés recommençaient en février, il n’était pas nécessaire de regarder quel pilote avait le plus tourné sur la journée. Là où la plupart des pilotes se contentent de 50 à 70 tours, Nicky en réalisait souvent vers la centaine. Un bourreau de travail, qui malgré des saisons difficiles ne critiqua jamais son équipe ou sa moto. Là où d’autres auraient rapidement baissé les bras, Hayden n’eut jamais un mot plus haut que l’autre contre Ducati et sa Desmocedici difficilement pilotable ou par la suite avec sa CRT d’un niveau très médiocre.
Même s’il a très souvent été pilote numéro 2 dans son équipe, jamais il ne demanda un statut particulier. Ses premiers podiums l’ont rapidement mis comme un pilote qui compte en MotoGP. Et pourtant, il ne faut pas se le cacher, pas grand monde ne le voyait devenir champion du Monde. La volonté ne suffit pas toujours.
Lors du retour des MotoGP à Laguna Seca, Hayden ne pouvait qu’être content. Il était un des très rares pilotes à connaitre la piste et son célèbre corkscrew. Un week-end de rêve plus tard et le Star Spangled Banner pouvait flotter haut dans le ciel américain. Pour la première fois, on voyait un Hayden déchainé, comme possédé. Rien ne pouvait lui arriver. La joie dans le tour d’honneur, sans casque, comme s’il venait de remporter un titre de Champion du Monde.
Son nombre de victoires n’est pas énorme. Trois victoires en 13 saisons de MotoGP, c’est peu, et pourtant les trois victoires resteront dans l’histoire. Tout d’abord 2005 avec Laguna Seca. Puis 2006 et ces derniers tours de folies à Assen avec Colin Edwards. Voir deux pilotes américains se battre dans la Mecque de la moto, cela nous ramenait quelques années en arrière quand les pilotes de l’Oncle Sam trustaient les victoires. Le dernier tour avec Nicky qui sort large et est obligé de couper un virage. Puis Edwards qui dans la dernière chicane perd le contrôle de sa moto et ne peut éviter la chute alors qu’Hayden sort dans les graviers et arrive tout de même à garder le contrôle de sa RCV.
Sa deuxième victoire à Laguna Seca est peut-être celle qui lui a montré qu’il pouvait être champion du Monde. Il avait résisté à la pression de son public et repartait des Etats Unis avec un petit matelas d’avance sur ses adversaires pour le titre.
Alors que le titre lui tendait les bras au Portugal, pour l’avant dernière manche de la saison, malgré un gros retour de Rossi sur les dernières courses, un des moments marquants de l’Histoire des MotoGP allait se passer. Dani Pedrosa, jeune coéquipier rookie d’Hayden, favori de Honda pour le futur faisait chuter le leader du championnat sur une attaque ratée. Le rêve d’Hayden prenait quasiment fin lorsque Rossi termina la course en 2ème position et prenait la tête du championnat pour 12 points avant l’ultime manche. Ceux qui regardaient cette course doivent encore se souvenir de la réaction d’Hayden, dans le bac à gravier, casque à la main hurlant de rage. Contre son coéquipier, mais surtout contre ce destin qui semblait lui refuser ce rêve. Toutes les personnes neutres en voulaient à Pedrosa et ne pouvaient qu’être triste de voir Nicky à ce moment ayant perdu tout espoir.
Et pourtant, le 29 Octobre 2006 restera là encore comme un des moments de la décennie. Onze ans plus tard, tout le monde se souvient de ce GP de Valencia 2006. Un Rossi avec ses milliers de fans dans les tribunes qui n’attendaient qu’un nouveau titre. Nicky Hayden, entouré de toute sa famille et de son petit espoir. Le rêve devint réalité. Il fut ce jour-là le pire cauchemar des tifosi. Mais quoi de plus beau que de voir Hayden remporter le titre, hurlant de joie quelques secondes plus tard. Voir Rossi heureux et féliciter son ex coéquipier. Ce drapeau américain dans la main gauche, ce casque au bras, ces pleurs après avoir atteint le rêve de toute une vie. Champion du Monde. Sur le toit du Monde.
Personne ne peut lui enlever ce moment et ce jour. Quoi qu’on dise, Nicky Hayden restera pour toujours le Champion du Monde 2006. Et peut-être ma plus belle émotion devant la TV.
On dit souvent que les meilleurs partent toujours les premiers. Malheureusement, aujourd’hui j’en ai la confirmation.
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